Taux d’endettement et devoir de mise en garde : Crédit excessif ?

par | 30 Juil, 2023 | Actualités juridiques, Articles droit bancaire

Jurisprudence

L’octroi d’un crédit immobilier par une institution financière implique une analyse minutieuse de la solvabilité de l’emprunteur. Cette démarche vise à protéger non seulement l’établissement prêteur des risques de non-remboursement, mais aussi l’emprunteur d’un éventuel endettement excessif. Au cœur de cette problématique se trouve le taux d’endettement, indicateur clé de la capacité de remboursement d’un individu.

Cependant, au-delà de la simple analyse chiffrée, se pose la question de la responsabilité du prêteur : a-t-il l’obligation de mettre en garde l’emprunteur lorsque le taux d’endettement approche ou dépasse une certaine limite ? La décision récente de la Cour de cassation, que nous nous proposons de commenter, offre une réponse nuancée à cette question, en mettant en lumière les critères d’appréciation de l’endettement excessif et les obligations qui incombent au prêteur en matière de mise en garde.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 juillet 2023, 22-11.321

Les faits

A la suite à d’une offre de prêt acceptée en décembre 2008, la société BNP Paribas Personal Finance a accordé à M. [V] et Mme [B] [G] un prêt destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier et à rembourser plusieurs emprunts en cours. Les emprunteurs ont ensuite assigné la banque, alléguant divers manquements, notamment au devoir de mise en garde. 

Procédure

Les consorts [G] ont formé un pourvoi en cassation contre une décision de la cour d’appel de Paris rendue en décembre 2021, qui avait rejeté leurs demandes.

Les prétentions des parties

Les consorts [G] reprochaient à l’arrêt d’appel de ne pas avoir reconnu le manquement de la banque à son devoir de mise en garde, compte tenu de l’endettement excessif des emprunteurs et de leur qualité de non avertis.

La décision de la Cour de cassation

La haute juridiction rejette le pourvoi des consorts [G]. Elle considère que les emprunteurs disposaient d’un « reste à vivre » suffisant et que le prêt litigieux, loin d’aggraver leur endettement, diminuait leurs charges.

La Cour souligne que pendant la période relais, le reste à vivre était de 3 785,62 euros. Pendant la période d’amortissement, ce montant était d’environ 3 500 euros par mois. Même lors des moments où les cotisations d’assurance étaient les plus élevées, le reste à vivre ne descendait jamais en dessous de 3 000 euros par mois.

Concernant le taux d’endettement des emprunteurs, induit par la souscription du prêt litigieux, celui-ci s’élevait à 64,22 % pour la période postérieure à la période relais. Si ce taux est élevé, la Cour conclut que les emprunteurs disposaient d’un « reste à vivre » suffisant pour s’acquitter des mensualités du crédit, et que le prêt ne créait pas d’endettement excessif.

Par conséquent, elle a estimé que le prêteur n’était pas tenu à un devoir de mise en garde.

Commentaire

Cette décision rappelle l’importance de l’analyse concrète de la situation financière de l’emprunteur pour déterminer l’existence d’un manquement au devoir de mise en garde de la part de l’établissement de crédit. Elle illustre également la marge d’appréciation dont disposent les juges du fond dans l’évaluation des circonstances de chaque espèce.

Rappel des obligations légales des banques : le devoir de mise en garde

L’article L. 313-7 du Code de la consommation stipule que tout prêteur doit, avant la conclusion d’un contrat de crédit, vérifier la solvabilité de l’emprunteur. Cette obligation vise à protéger le consommateur d’un endettement excessif.

De plus, la jurisprudence a régulièrement imposé aux établissements bancaires un devoir de mise en garde à l’égard des emprunteurs non avertis face à un risque d’endettement excessif. C’est notamment le cas lorsque le crédit envisagé fait courir un risque manifeste d’insolvabilité à l’emprunteur (Cass. Mixte, 29 juin 2007, n° 06-13.673).

Lorsqu’une banque ne respecte pas son devoir de mise en garde et qu’un emprunteur se retrouve dans une situation d’endettement excessif à la suite de la souscription d’un crédit, la banque peut être tenue responsable et peut être condamnée à indemniser l’emprunteur pour le préjudice subi.

Dès lors la notion « d’endettement excessif » est au centre des débats.

Le reste à vivre comme critère prépondérant au taux d’endettement

Selon la pratique courante, le taux d’endettement est calculé en rapportant la totalité des charges mensuelles de l’emprunteur (y compris le remboursement du crédit sollicité) à ses revenus. La formule est donc la suivante :

Taux d’endettement = (Revenus mensuels/Charges mensuelles​) × 100

En matière de crédit immobilier, la pratique bancaire considère généralement que le taux d’endettement ne devrait pas excéder 33% des revenus de l’emprunteur, récemment réévalué à 35 % par le HCSF. A défaut, le crédit pourrait être considéré comme excessif.

En l’espèce, la Cour privilégie la notion de « reste à vivre » et écarte le taux d’endettement pour apprécier le caractère excessif du crédit.

« La cour d’appel, qui a souverainement estimé que les emprunteurs disposaient d’un « reste à vivre » suffisant pour s’acquitter des mensualités du crédit et que celui-ci ne créait pas d’endettement nouveau à l’issue de la période relais, en a exactement déduit, sans avoir à procéder à la recherche relative au taux d’endettement que ses constatations rendaient inopérante, (…) que le prêteur n’était pas tenu à une obligation de mise en garde. »

Cette notion de reste à vivre s’apprécie au regard la globalité de l’opération de financement, à savoir, les capacités financières des emprunteurs et l’impact du nouveau prêt sur les anciens emprunts, et ce peu importe le taux d’endettement.

Ainsi, un taux d’endettement excessif n’entraine pas forcément un crédit excessif, si le reste à vivre est suffisant. Selon la Cour de cassation, 3 000 euros est un reste à vivre suffisant. Reste à savoir le seuil suffisant, c’est à dire le montant à partir duquel le taux d’endettement doit être écarté au profit du reste à vivre ; 3 000, 2 000 ou 1 000 euros ?

Conclusion

Cet arrêt confirme la jurisprudence constante de la Cour de cassation en matière de devoir de mise en garde des établissements de crédit et rappelle l’importance de l’analyse détaillée de la situation financière des emprunteurs.

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