Anomalies apparentes et devoir de vigilance du banquier

par | 25 Avr, 2024 | Articles droit bancaire

Jurisprudence

Arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2024 n°22-11.654

Cet arrêt de la Cour de Cassation concerne un litige en matière de responsabilité bancaire pour un défaut de vigilance lors du traitement d’ordres de virement frauduleux. Il rappelle que l’absence d’anomalies apparentes (matériels ou intellectuels) ne permet pas d’engager la responsabilité du banquier.

Rappel des faits

La société J avait émis des ordres de virement pour régler des factures à des fournisseurs asiatiques. Ces ordres étaient basés sur des courriels frauduleusement modifiés par un tiers qui avait piraté le système de messagerie de la société. La banque a exécuté ces virements qui ont finalement atterri dans des comptes non liés aux fournisseurs. La société J a assigné la banque réclamant réparation de son préjudice au titre d’un manquement à l’obligation de vigilance et de surveillance du banquier.

La cour d’appel ayant rejeté les demandes de la société J, celle-ci a formé un pourvoi en cassation.

Question juridique

La question était de savoir si la banque avait manqué à ses obligations en exécutant des virements qui, en réalité, ne provenaient pas de son client (la société J), malgré la présence d’indices matériels ou intellectuels pouvant révéler cette fraude.

Décision de la Cour

La Cour de cassation considère que les ordres de virement n’étaient pas affectés d’anomalies apparentes qui auraient exigées de la banque de mener des investigations supplémentaires ou d’alerter le client. Dès lors, la Cour de cassation rejette le pourvoi de la Société J. 

Analyse juridique

Rappel de l’obligation de vigilance du banquier

La responsabilité d’une banque dans le traitement des ordres de virement est déterminée par son obligation de s’assurer que l’ordre émane bien du titulaire du compte et de vérifier l’absence d’anomalies apparentes.

Ici, la Cour juge que les opérations étaient cohérentes avec les pratiques commerciales habituelles de la société J, ne présentant rien d’exceptionnel ni d’inhabituel qui aurait dû alerter la banque.

La décision rappel que la banque n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client et qu’elle n’a pas à enquêter sur la légitimité substantielle des ordres tant que rien dans l’ordre lui-même ne suggère une anomalie.

Pour rappel, la notion d’anomalie apparente se définit comme une irrégularité formelle clairement identifiable par un banquier normalement prudent et diligent. Si l’anomalie matérielle ne pose en principe aucune difficulté, et sanctionne le banquier ne l’ayant pas détecté (exemple grattage chèque : Cass. com., 17 sept. 2013, n°12-18.202), il en sera autrement pour les anomalies dites « intellectuelles ».

En effet, l’anomalie intellectuelle concerne des cas plus complexes où des ordres de paiement sont exécutés sous l’influence d’une erreur ou d’une escroquerie, tels que les arnaques à l’investissement ou les fraudes au Président. La jurisprudence a établi des critères pour juger de la vigilance bancaire dans ces situations : le montant, la fréquence des virements, la destination des fonds, et le profil du client (Cass. Com., 31 janv. 2017, n° 15-17.498).

En l’espèce, la cour rappel a décidé que :

« (…) à réception d’un ordre de virement, le banquier, qui est tenu de s’assurer que celui-ci émane bien du titulaire du compte à débiter ou de son représentant et ne présente aucune anomalie apparente, formelle ou intellectuelle, doit vérifier que l’opération n’est pas manifestement irrégulière ou inhabituelle dans la pratique commerciale de son client.

Après avoir relevé que les ordres de virements litigieux libellés en USD émanaient de la société Jirlec, qui les avait signés et avait fourni à la banque les éléments d’identification des comptes bancaires sur lesquels les fonds devait être virés, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les instructions ainsi données s’inscrivaient dans la logique des relations d’affaires entretenues avec des fournisseurs basés en Asie, que les montants des virements n’étaient en rien exceptionnels, que la société Jirlec était en possession des factures en règlement et qu’elle n’ignorait pas la dénomination sociale de ses fournisseurs.

En l’état des ces constatations et appréciations souveraines, dont il se déduit que les ordres de virement litigieux n’étaient affectés d’aucune anomalie apparente, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision. »

La décision rendue par la Cour de cassation est donc conforme a la jurisprudence constante, et ne pouvait être autrement.

En effet, la banque n’a pas à supporter la charge d’un préjudice subi par son client si celle-ci n’a pas commis de faute.  

Ainsi, la Cour de cassation a jugé que la banque avait rempli ses obligations contractuelles en exécutant les ordres de virement conformément aux instructions reçues sans anomalies apparentes de son client.

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