La garantie offerte par le mécanisme de cautionnement est l’un des moyens privilégiés par les créanciers pour sécuriser leurs créances, particulièrement dans le domaine commercial.
Toutefois, le jeu des procédures collectives, telles que la sauvegarde, vient souvent complexifier la donne et peut générer des interrogations quant à la portée réelle de cette garantie.
C’est dans cette optique que s’inscrit l’arrêt rendu le 14 juin 2023 par la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, qui aborde la délicate question des prérogatives du créancier à l’encontre de la caution d’une entreprise en procédure de sauvegarde.
En l’espèce, le cautionnement contracté par une personne physique semblait limiter les actions du créancier durant cette procédure. Pourtant, la Haute juridiction apporte des éclaircissements essentiels sur cette thématique. Notre commentaire se propose de décrypter cet arrêt, en mettant en exergue la position adoptée par la Cour de cassation et ses implications pour la pratique.
Décision du 14 juin 2023 Cour de cassation – Pourvoi n° 21-24.018
Contexte
La décision porte sur les effets d’une procédure de sauvegarde vis-à-vis du droit d’action du créancier contre une caution personne physique.
Les faits
La société [Z] Optic, en difficulté, est mise sous une procédure de sauvegarde en 2017. M. [Z], son dirigeant, avait préalablement garanti les obligations de la société en se portant caution auprès du franchiseur, la société Optical finance. Après une rupture de contrat de franchise, la société Optical finance déclare sa créance et cherche à faire jouer la caution en assignant M. [Z] en justice.
La procédure
La société Optical finance forme un pourvoi contre la décision de la cour d’appel d’Agen qui avait jugé son action irrecevable, arguant que la créance de la caution (M. [Z]) n’était pas exigible au vu du plan de sauvegarde.
La question de droit
Le créancier peut-il engager des poursuites contre la caution personne physique pendant la procédure de sauvegarde de la société débitrice principale ?
La décision
La Cour de cassation rejette le pourvoi, précisant que le créancier n’est pas totalement privé de toute action contre la caution pendant la procédure de sauvegarde. Bien que les poursuites directes soient suspendues, le créancier peut toutefois prendre des mesures conservatoires contre la caution, soit pendant la période d’observation, soit pendant l’exécution du plan de sauvegarde.
Analyse
Suspension des poursuites : La Cour rappelle le principe selon lequel, pendant la procédure de sauvegarde, les poursuites à l’encontre de la caution personne physique sont suspendues (art. L. 622-28, al. 2 du code de commerce).
Mesures conservatoires : Toutefois, le créancier a la possibilité de prendre des mesures conservatoires contre la caution pendant la période d’observation (art. L. 622-28, al. 3 du code de commerce) et pendant l’exécution du plan de sauvegarde (art. R. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution).
Interruption de la prescription : Le créancier bénéficie également d’une interruption du délai de prescription dès sa déclaration de créance et ce jusqu’à la clôture de la procédure.
Rejet du pourvoi : La Cour conclut que l’absence d’atteinte au droit d’agir du créancier contre la caution rendait inutile toute recherche sur une éventuelle privation de ce droit.
Portée et implications
Cette décision de la Cour de cassation apporte des clarifications utiles sur les droits du créancier face à une caution pendant une procédure de sauvegarde. Elle réaffirme la protection accordée à la caution personne physique, tout en ménageant le droit du créancier à prendre certaines mesures pour préserver ses intérêts.
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