La distribution de dividendes est une décision stratégique pour les dirigeants de TPE et PME, souvent prise en fin d’exercice après approbation des comptes. Toutefois, elle soulève de nombreuses questions : quelles sont les conditions de distribution ? Qu’est-ce qu’un dividende différé ? Quelle est la fiscalité applicable ? Et surtout, quelles sont les bonnes pratiques à adopter pour optimiser la gestion financière de la société tout en respectant le cadre légal ? Cet article vous apporte un éclairage juridique complet sur ces points essentiels.
Définition et base légale des dividendes
Qu’est-ce qu’un dividende ?
Le dividende représente la part des bénéfices sociaux distribuée aux associés ou actionnaires d’une société, proportionnellement à leur participation au capital. Il s’agit d’un revenu de capitaux mobiliers.
Juridiquement, la distribution des dividendes repose sur deux conditions majeures (articles L232-11 et suivants du Code de commerce) :
- Un bénéfice distribuable : constitué notamment du résultat net bénéficiaire, auquel s’ajoute le report à nouveau créditeur, déduction faite des pertes antérieures et des sommes à affecter à la réserve légale et statutaires.
- Une décision de l’assemblée générale ordinaire (AGO) : qui approuve les comptes et décide de l’affectation du résultat, y compris de la distribution de dividendes.
Distinction entre dividendes immédiats et différés
Dividendes classiques ou immédiats
Les dividendes classiques sont ceux qui sont votés et versés peu de temps après l’assemblée générale de clôture des comptes. Le versement se fait généralement dans les mois suivants. Ils supposent une trésorerie disponible et suffisante de la société.
Dividendes différés
Le dividende différé est un dividende voté mais dont le paiement est reporté dans le temps. Ce mécanisme permet à l’entreprise de conserver temporairement des liquidités tout en s’engageant à rémunérer les associés ultérieurement.
Il peut résulter :
- D’un choix stratégique de gestion (attente d’une meilleure trésorerie).
- Ou d’une clause statutaire ou d’un accord entre associés.
Il convient de formaliser ce type de décision par procès-verbal d’assemblée générale précisant les modalités du report et la date prévue du paiement.
Règles juridiques à respecter pour la distribution
Conditions préalables au versement
Avant toute distribution, il est impératif de :
- Respecter le formalisme de l’assemblée générale (convocations, documents à remettre, procès-verbal enregistré selon les cas).
- Affecter les réserves légales : 5 % du bénéfice chaque année jusqu’à ce que la réserve atteigne 10 % du capital social.
- Disposer d’un bénéfice distribuable effectif.
Distribution anticipée : acompte sur dividendes
Il est aussi possible de verser un acompte sur dividendes au cours de l’exercice, sous conditions notamment d’avoir des comptes intermédiaires certifiés. Cela permet de rémunérer les associés plus rapidement sans attendre la clôture annuelle.
Fiscalité applicable aux dividendes
Imposition au niveau du bénéficiaire
Depuis 2018, les dividendes perçus par les personnes physiques relèvent en principe de la flat tax ou Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) de 30 %, comprenant :
- 12,8 % d’impôt sur le revenu
- 17,2 % de prélèvements sociaux
Il est toutefois possible d’opter pour l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu, auquel cas l’abattement de 40 % sur les dividendes s’applique.
Dividendes versés aux dirigeants majoritaires
Depuis 2013, les dividendes versés au dirigeant gérant majoritaire de SARL ou assimilée (article L131-6 du Code de la sécurité sociale) sont partiellement soumis à cotisations sociales lorsqu’ils excèdent 10 % du total suivant :
- Capital social
- Primes d’émission
- Sommes versées en compte courant
Cette assiette est donc stratégique pour l’arbitrage rémunération vs dividende.
Bonnes pratiques et conseils juridiques pour les dirigeants
Anticiper la trésorerie
Ne distribuez que ce que la société peut réellement supporter. Un excès de distribution conduit à fragiliser la trésorerie et peut être requalifié en distribution fictive, engageant votre responsabilité.
Formaliser le dividende différé
Assurez-vous de bien documenter le report du paiement (par exemple, une date précise ou conditionnelle : encaissement d’une créance, etc.), éviter toute ambiguïté sur la nature de l’engagement.
Optimiser la répartition entre rémunération et dividende
La bonne stratégie consiste souvent à verser une part de rémunération justifiant des cotisations sociales (et ouvrant des droits) et une part de dividende, fiscalement plus avantageuse, surtout si vous êtes en SAS (où les dividendes ne sont pas soumis à cotisations sociales).
Tenir compte de la situation personnelle et patrimoniale
L’option pour l’imposition au barème peut être avantageuse dans certaines situations (faible tranche marginale d’imposition, déficits reportables, etc.). Faites le calcul avec un expert en fiscalité.
Ne pas négliger la mise à jour des statuts
Anticipez dans les statuts les modalités de paiement des dividendes (notamment différés), les conditions de report ou de suspension, pour éviter tout blocage en cas de désaccord entre associés.
Conclusion
La décision de distribuer des dividendes, qu’ils soient immédiats ou différés, ne doit jamais être improvisée. Elle implique une triple maîtrise : règlementaire, fiscale et financière. Un accompagnement régulier par un cabinet d’avocats ou un conseiller juridique permet de sécuriser votre stratégie et d’éviter des risques coûteux ultérieurement.
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