Clause de bad leaver : définition juridique

par | 13 Mar, 2025 | Articles droit des sociétés, Exprime Avocat

Clause de bad leaver

Dans le cadre des pactes d’actionnaires et des conventions de management, la clause de « bad leaver » occupe une place centrale pour les investisseurs et les entreprises. Elle vise à encadrer le départ d’un actionnaire ou d’un dirigeant en définissant les conséquences financières et statutaires de son éviction ou de sa démission.

Cette clause est particulièrement répandue dans les startups, les sociétés en croissance et les opérations de private equity. Son objectif est de dissuader les comportements opportunistes et de protéger les intérêts des actionnaires restants.

Définition

La clause de « bad leaver » prévoit qu’un actionnaire ou un dirigeant qui quitte l’entreprise dans certaines conditions jugées préjudiciables (faute grave, violation du pacte d’actionnaires, non-respect de ses obligations contractuelles, départ anticipé, etc.) subit une pénalisation sur la cession de ses titres.

Elle se distingue de la « clause de good leaver« , qui s’applique aux départs considérés comme légitimes (départ à la retraite, décès, licenciement sans faute, etc.), et qui permettent une sortie à des conditions plus avantageuses.

En pratique, la clause de « bad leaver » impose souvent :

  • Une obligation de céder ses actions à un prix réduit (par exemple, la valeur nominale ou un prix inférieur à la valeur de marché) ;
  • Une interdiction de conserver ses titres pour éviter toute interférence future dans la gestion de la société ;
  • Une limitation des droits financiers (exclusion du bénéfice des dividendes futurs, etc.).

Légalité et limites de la clause de « bad leaver »

Si la clause de « bad leaver » est licite en droit français, elle doit respecter certains principes fondamentaux pour éviter d’être qualifiée de clause abusive ou léonine.

Absence de clause léonine

L’article 1844-1 du Code civil interdit les clauses léonines, qui attribueraient à un associé la totalité des bénéfices ou l’exonéreraient de toute contribution aux pertes. Une clause de « bad leaver » ne doit donc pas priver totalement un actionnaire de la valeur de ses titres de manière disproportionnée.

Proportionnalité de la pénalisation

Les tribunaux français veillent à ce que la pénalité appliquée en cas de « bad leaver » soit proportionnée au préjudice subi par l’entreprise ou les investisseurs. Une cession des titres à une valeur nominale pourrait être contestée si elle ne repose pas sur une justification économique et contractuelle claire.

Conformité aux règles du licenciement

Si la clause s’applique à un salarié, elle ne doit pas contourner le droit du travail. Un dirigeant salarié ne peut être contraint à céder ses actions à un prix dérisoire en cas de licenciement abusif.

Intégration de la clause

La clause de bad leaver peut être intégrée soit dans les statuts de la société, soit dans un pacte d’actionnaires, soit dans une convention de management, en fonction des objectifs poursuivis et des parties concernées.

Dans les statuts de la société

La clause s’applique automatiquement à tous les associés présents et futurs, assurant ainsi une opposabilité à l’ensemble des actionnaires. Par exemple, une SAS peut prévoir dans ses statuts que tout actionnaire quittant la société dans des conditions caractérisant un bad leaver devra céder ses actions à un prix déterminé par une formule de valorisation spécifique. Toutefois, toute modification de cette disposition nécessitera une assemblée générale extraordinaire et l’atteinte d’une majorité qualifiée (souvent 2/3 ou 3/4 des voix), ce qui peut limiter sa flexibilité.

Dans un pacte d’actionnaires

La clause engage uniquement les signataires, ce qui la rend plus souple et adaptable. Par exemple, dans une start-up où les investisseurs souhaitent se prémunir contre le départ prématuré d’un fondateur, le pacte peut prévoir que si ce dernier quitte l’entreprise dans les trois premières années pour rejoindre un concurrent ou en cas de révocation pour faute grave, il devra céder ses actions à la valeur nominale, tandis qu’un départ après cette période pourrait entraîner une cession à un multiple du chiffre d’affaires ou à un prix calculé sur la base d’une formule d’EBITDA.

Dans une convention de management

La clause peut être intégrée pour encadrer le départ des dirigeants opérationnels. Par exemple, un directeur général qui bénéficie d’un plan d’actions gratuites pourrait être contraint de les céder à l’entreprise ou aux autres associés à un prix déterminé si son départ résulte d’une faute de gestion avérée. Attention, si la situation concerne un salarié (contrat de travail), cette disposition ne doit pas aboutir à une sanction déguisée ou à une atteinte disproportionnée aux droits du salarié.

Dans tous les cas, il est essentiel de veiller à ce que la clause respecte les principes du droit des sociétés et du droit du travail. Une rédaction imprécise ou une pénalisation excessive (comme l’obligation de céder à un prix nul sans justification économique) pourrait être requalifiée en clause léonine et déclarée nulle par un tribunal.

Événements déclenchant la clause de « bad leaver »

L’application de la clause de bad leaver repose sur des événements précisément définis dans les statuts, le pacte d’actionnaires ou la convention de management. Ces événements peuvent être regroupés en plusieurs catégories :

Faute grave ou lourde du dirigeant ou de l’actionnaire

    • Détournement de fonds, abus de biens sociaux ou fraude avérée.
    • Violation d’une obligation essentielle prévue dans le pacte d’actionnaires (exemple : engagement de non-concurrence non respecté).
    • Révélation d’informations confidentielles préjudiciables à la société.
    • Atteinte grave à l’image ou à la réputation de l’entreprise (exemple : un dirigeant impliqué dans un scandale judiciaire).

Non-respect des obligations contractuelles

    • Manquement aux engagements de performance définis dans une convention de management (exemple : un CEO qui ne parvient pas à atteindre des objectifs financiers critiques pour la levée de fonds et quitte la société prématurément).
    • Refus de signer des documents essentiels à la bonne marche de l’entreprise (exemple : opposition injustifiée à une augmentation de capital prévue dans le pacte).

Départ anticipé du fondateur ou du dirigeant

    • Démission du fondateur ou d’un cadre clé dans un délai trop court après une levée de fonds, mettant en péril le projet entrepreneurial.
    • Départ volontaire d’un actionnaire dirigeant avant une période minimale d’engagement prévue (exemple : un CTO qui quitte la société un an après la levée de fonds alors que le pacte prévoyait un engagement de trois ans).

Exclusion ou révocation pour justes motifs

    • Révocation du dirigeant par décision du conseil d’administration ou des actionnaires pour des raisons objectives (exemple : défaut de gestion ayant entraîné de lourdes pertes financières, conflits internes paralysant la gouvernance).
    • Non-respect des décisions prises en assemblée générale ou obstruction systématique à la bonne gouvernance de la société.

Concurrence déloyale ou conflit d’intérêts

  • Création d’une entreprise concurrente sans autorisation ou détournement de clients.
  • Acceptation d’un poste chez un concurrent sans respecter une clause de non-concurrence.
  • Usage abusif des ressources de la société pour un projet personnel.
  • Tentative d’attirer des salariés clés vers une autre entreprise après avoir quitté la société.
  • Incitation des clients ou des fournisseurs à rompre leurs relations commerciales avec l’entreprise.

Dans tous ces cas, la clause de bad leaver permet d’imposer une cession contrainte des titres à des conditions défavorables, telles qu’une vente à un prix réduit (valeur nominale ou discount significatif sur la valeur de marché). Toutefois, pour éviter toute contestation, il est impératif que ces événements soient définis de manière claire et objective dans les accords contractuels.

Intérêt et négociation de la clause de « bad leaver »

Pour les investisseurs

  • Sécurisation de l’investissement : en limitant les risques liés au départ d’un dirigeant clé.
  • Éviter la dilution du capital : en rendant les actions disponibles pour d’autres investisseurs ou associés engagés.
  • Préserver l’intérêt collectif : en dissuadant les comportements opportunistes ou nuisibles.

Pour les fondateurs et dirigeants

  • Négocier une juste évaluation : prévoir une formule de valorisation progressive selon les circonstances du départ.
  • Limiter les cas de « bad leaver » : préciser les situations qui déclenchent la pénalité (faute lourde avérée, violation de clauses spécifiques, etc.).
  • Obtenir des garanties : insérer des protections contre une application abusive de la clause par les investisseurs majoritaires.

Conclusion

La clause de « bad leaver » est un outil stratégique pour les investisseurs et les entreprises, permettant de garantir la stabilité du capital et de prévenir les comportements déloyaux. Toutefois, sa mise en œuvre doit être rigoureuse et équilibrée pour éviter tout risque de contestation judiciaire.

Il est donc essentiel de rédiger cette clause avec précision et de la négocier en fonction des intérêts respectifs des parties. Une rédaction imprécise ou disproportionnée pourrait entraîner sa nullité ou des litiges complexes devant les tribunaux.

Dans cette optique, faire appel à un avocat en droit des affaires et en structuration des entreprises permet de sécuriser ces engagements contractuels et d’anticiper les enjeux de gouvernance à long terme.

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