Succursale : définition et régime juridique

par | 5 Fév, 2025 | Articles droit des sociétés, Exprime Avocat

Succursale

La notion de succursale se retrouve essentiellement en droit des affaires et en droit commercial. Elle constitue une modalité d’implantation d’une entreprise sur un territoire donné sans pour autant lui conférer une personnalité juridique distincte. Contrairement à la filiale, qui est une société juridiquement autonome, la succursale est une émanation de la société mère, ce qui entraîne des implications notables en matière de responsabilité, de fiscalité, et de droit des sociétés.

Définition juridique et caractéristiques essentielles de la succursale

Le droit ne donne pas une définition explicite de la succursale dans le Code de commerce. Cependant, la jurisprudence et la doctrine en dégagent les principaux éléments caractéristiques :

  • Une installation permanente : la succursale est un établissement stable et durable, situé à une adresse distincte du siège social.
  • Une direction propre : elle est placée sous la responsabilité d’un dirigeant local, qui agit pour le compte de la société mère.
  • L’absence de personnalité juridique propre : contrairement à la filiale, la succursale ne constitue pas une entité juridique distincte de la société mère, qui en supporte directement les obligations.

La jurisprduence considère qu’une succursale se caractérise par « une installation stable et une autonomie de gestion suffisante pour exercer une activité commerciale en son propre nom, mais sans pour autant posséder une personnalité juridique distincte de celle de la société mère ».

Distinction avec d’autres formes d’implantation

  • Succursale vs filiale : La filiale est une société dotée de la personnalité juridique et du patrimoine propre, distincts de ceux de la société mère. En cas de difficultés financières, la responsabilité de la société mère est en principe limitée à sa participation dans la filiale, tandis qu’avec une succursale, la société mère est directement responsable des engagements contractés.
  • Succursale vs bureau de représentation : Le bureau de représentation n’exerce en principe aucune activité commerciale (uniquement des activités de prospection, de représentation ou de liaison). Il ne génère pas de chiffre d’affaires, contrairement à la succursale.

Régime juridique de la succursale

Création et formalités administratives

L’ouverture d’une succursale en France est soumise à plusieurs formalités :

  • Immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) : Conformément à l’article R. 123-40 du Code de commerce, est considéré comme établissement secondaire « tout établissement permanent, distinct du siège social ou de l’établissement principal et dirigé par la personne tenue à l’immatriculation, un préposé ou une personne ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec les tiers ». Ainsi, une succursale doit être déclarée au greffe du tribunal de commerce compétent et immatriculée au RCS dans le mois suivant son ouverture.
  • Désignation d’un représentant légal : Si la société mère est étrangère, elle doit nommer un représentant légal en France. Bien que le Code de commerce ne précise pas explicitement cette obligation dans un article particulier, cette exigence découle des obligations générales d’immatriculation et de représentation des sociétés étrangères établissant une succursale en France.
  • Il est donc recommandé de se référer à l’article R. 123-40 pour les dispositions relatives aux établissements secondaires et de consulter les obligations légales concernant la représentation des sociétés étrangères en France.

  • Publication dans un journal d’annonces légales : L’annonce doit mentionner l’identité de la société mère et les coordonnées de la succursale.

En cas de non-respect de ces formalités, la société mère peut être exposée à des sanctions, notamment des amendes et des difficultés administratives pour exploiter son activité.

Responsabilité juridique et financière

L’absence de personnalité juridique propre implique que :

  • Tous les actes réalisés par la succursale engagent directement la société mère.
  • En cas de litige, c’est la société mère qui est directement poursuivie en justice.
  • Les créanciers peuvent agir directement contre la société mère, sans distinction entre ses actifs et ceux de la succursale.

Régime fiscal applicable

En matière fiscale, une succursale est en principe soumise à l’impôt sur les sociétés en France si elle exerce une activité imposable sur le territoire.

  • Impôt sur les sociétés (IS) : L’article 209-I du Code général des impôts prévoit que les bénéfices réalisés par une succursale en France sont imposables en France, même si la société mère est située à l’étranger.
  • Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : Si la succursale réalise des opérations soumises à la TVA, elle doit s’immatriculer et respecter les obligations déclaratives applicables.
  • Convention fiscale internationale : En cas de société mère étrangère, les conventions fiscales bilatérales peuvent limiter la double imposition et préciser les règles d’imposition des succursales.

Droit du travail applicable aux succursales

Toute succursale établie en France est soumise aux règles du Code du travail français, indépendamment du pays d’origine de la société mère. Cela concerne tant les salariés que le gérant de la succursale, dont le statut peut varier selon son degré d’indépendance.

Application du droit du travail aux salariés et au gérant

  • Salariés de la succursale : Ils bénéficient des mêmes droits et protections que tout travailleur en France : durée du travail, congés, licenciement, droit syndical, protection sociale, etc.
  • Gérant de la succursale : Son statut dépend de son degré d’autonomie :
    • S’il dispose d’une indépendance totale dans la gestion de la succursale, il est assimilé à un dirigeant commercial et relève du droit des sociétés ou du droit commercial.
    • En revanche, s’il agit sous l’autorité de la société mère (suivi strict des directives, absence de liberté de gestion, contrôle des horaires et des décisions), il peut être assimilé à un salarié et bénéficier des protections du Code du travail. L’article L. 7321-1 du Code du travail prévoit que le représentant d’une entreprise étrangère exploitant une succursale en France peut être requalifié en salarié s’il ne dispose pas d’une autonomie réelle.

Obligations sociales et conventionnelles

  • Affiliation aux régimes sociaux français : Toute personne travaillant dans une succursale en France (salarié ou gérant assimilé salarié) doit être affiliée aux organismes sociaux français (URSSAF, assurance chômage, retraite, complémentaire santé obligatoire, etc.).
  • Respect des conventions collectives : La succursale est tenue d’appliquer la convention collective correspondant à son secteur d’activité.
  • Égalité de traitement et non-discrimination : L’arrêt CJUE du 12 juillet 2012, VALE Épitési kft, C-378/10 rappelle que les succursales doivent garantir une égalité de traitement entre les travailleurs, sans distinction liée à l’origine de la société mère.

Ainsi, une société étrangère exploitant une succursale en France doit veiller à respecter les obligations du droit du travail français, à la fois pour ses salariés et pour le gérant, dont le statut doit être évalué au regard de son indépendance effective.

Enjeux et risques liés à l’utilisation des succursales

Avantages : 

  • Facilité d’implantation : Moins coûteuse et plus rapide à créer qu’une filiale.
  • Contrôle direct : La société mère garde un contrôle total sur les activités de la succursale.
  • Optimisation fiscale potentielle : Certaines entreprises utilisent des succursales dans des juridictions à fiscalité avantageuse pour limiter leur charge fiscale.

Inconvénients et risques juridiques

  • Responsabilité illimitée de la société mère : Contrairement à la filiale, où la responsabilité est limitée, la société mère assume toutes les dettes et obligations de la succursale.
  • Risque fiscal : En cas d’implantation abusive visant à contourner les règles fiscales, l’administration fiscale peut requalifier la succursale en établissement stable et imposer la société mère sur l’ensemble de ses revenus en France.
  • Litiges transnationaux : Si la société mère est étrangère, la détermination du tribunal compétent et du droit applicable en cas de contentieux peut être source de complexité.

Conclusion

La succursale constitue une solution flexible pour une entreprise souhaitant s’implanter sur un territoire sans créer une entité juridique distincte. Elle offre des avantages en matière de gestion et de coûts, mais comporte également des risques en termes de responsabilité et de fiscalité.

En pratique, le choix entre succursale et filiale doit être opéré en fonction des objectifs stratégiques de l’entreprise, et notamment du cadre fiscal applicable. Un accompagnement juridique adapté est recommandé pour sécuriser l’ouverture et la gestion d’une succursale, notamment en présence d’une société mère étrangère.

 

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