Pour les dirigeants de société, la question de l’arbitrage entre rémunération et versement de dividendes constitue une problématique stratégique majeure. Cette décision a des conséquences en matière de fiscalité, de protection sociale et de liquidité de l’entreprise. Comprendre les règles juridiques, sociales et fiscales applicables est essentiel pour optimiser sa situation personnelle tout en maintenant la pérennité de sa structure.
Distinction entre rémunération et dividendes
Rémunération du gérant
La rémunération du dirigeant est une contrepartie versée en échange de ses fonctions. Elle peut prendre diverses formes : salaire fixe, variable, avantages en nature. Cette rémunération est décidée par :
- Les statuts de la société,
- Une décision de l’assemblée générale des associés (pour les SARL, SAS),
- Ou du conseil d’administration/direction.
Elle est soumise à des cotisations sociales obligatoires et dépend du statut du dirigeant : TNS (travailleur non salarié) ou assimilé salarié.
Versement de dividendes
Les dividendes représentent la part de bénéfice distribuée aux associés après approbation des comptes et décision de distribution par l’assemblée générale. Ils ne rémunèrent pas une activité, mais une prise de risque en capital. Le montant des dividendes dépend :
- Du résultat bénéficiaire de l’exercice,
- De l’affectation décidée en AG (mise en réserve ou distribution),
- Et de la quote-part de participation dans le capital social.
Régime fiscal applicable
Imposition de la rémunération
La rémunération des dirigeants est soumise à l’impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie :
- Traitements et salaires (dirigeants assimilés salariés, comme ceux des SAS/SASU),
- Bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou bénéfices non commerciaux (BNC) dans certains cas d’activités d’indépendants.
Elle est également soumise à des cotisations sociales auprès de l’URSSAF, des caisses de retraite, et le cas échéant à la CSG/CRDS.
Fiscalité des dividendes
Depuis janvier 2018, les dividendes bénéficient du régime du prélèvement forfaitaire unique (PFU), appelé « flat tax », composé :
- D’un impôt sur le revenu de 12,8 %,
- Et de 17,2 % de prélèvements sociaux.
Soit un total de 30 %. Le contribuable peut également opter pour l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu (avec abattement de 40 %), si cela est plus avantageux.
Aspects sociaux : quelle protection pour le dirigeant ?
Dirigeant rémunéré
Le versement d’une rémunération permet au dirigeant de bénéficier d’une protection sociale, variable selon son statut :
- Un gérant majoritaire de SARL relève du régime TNS : charges sociales plus faibles mais protection moindre, notamment en matière de prévoyance et de retraite.
- Un président de SAS ou dirigeant minoritaire d’une SARL est assimilé salarié : charges sociales plus élevées, mais couverture plus complète.
Dirigeant non rémunéré et dividendes
Le versement de dividendes ne donne droit à aucune couverture sociale, ni constitution de droits à la retraite. Cette solution peut paraître séduisante fiscalement, mais elle implique un risque social important pour le dirigeant en cas d’arrêt de travail, invalidité ou retraite insuffisamment préparée.
Optimisation : comment arbitrer entre rémunération et dividendes
Analyser la rentabilité de la société
Le versement de dividendes n’est envisageable que si la société dégage suffisamment de résultat après impôts. Il convient donc d’évaluer la capacité distributive de l’entreprise, sans mettre en danger sa trésorerie.
Évaluer les besoins personnels du dirigeant
Le choix dépend également des besoins financiers personnels du dirigeant (revenu courant, charges familiales), mais aussi de sa situation patrimoniale, de sa tranche marginale d’imposition, et de sa stratégie de retraite.
Panacher les deux options
Une stratégie optimale consiste souvent à combiner une rémunération modérée assurant une couverture sociale minimale, avec un versement de dividendes permettant une distribution complémentaire à coût social plus modéré. Le dosage dépend du statut juridique de la société et du profil du dirigeant.
Conseils pratiques pour dirigeants
- Formalisez chaque décision (AG, PV), surtout en cas de dividendes ou changement de rémunération.
- Anticipez les charges sociales en cas de rémunération différée ou irrégulière.
- Respectez les règles d’approbation des comptes pour distribuer des dividendes de manière régulière.
- Étudiez chaque année votre stratégie d’arbitrage avec un expert-comptable ou un avocat fiscaliste.
- Évitez le versement exclusif de dividendes si vous n’avez aucune protection sociale.
Le choix entre rémunération et dividendes n’est pas uniquement une question d’économie d’impôt. Il s’agit d’un arbitrage global incluant des dimensions juridiques, fiscales, sociales et personnelles sur le court et le long terme.
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