L’achat d’un fonds de commerce constitue une opération stratégique pour tout entrepreneur. Toutefois, cette transaction n’est pas exempte de risques, notamment celui de voir l’acquéreur du fonds confronté aux dettes du vendeur. Cette problématique est fréquemment au cœur du contentieux en matière de cession de fonds. Il est donc essentiel de comprendre les règles juridiques qui encadrent la responsabilité de l’acheteur face aux engagements du cédant.
La notion de fonds de commerce et son régime de transmission
Définition juridique du fonds de commerce
Le fonds de commerce est un ensemble d’éléments corporels et incorporels utilisés par un commerçant pour exercer son activité. Il comprend, par exemple :
- La clientèle et l’achalandage ;
- Le nom commercial et l’enseigne ;
- Le droit au bail ;
- Le matériel et l’outillage ;
- Les licences éventuelles (restaurants, débit de boisson, etc.).
Effets juridiques de la cession
Lorsqu’un fonds est cédé, l’acquéreur acquiert ces éléments en bloc, ce qui peut impliquer certains engagements au-delà de la simple transmission d’actifs. Parmi ces engagements figure le passif lié au fonds, avec des conséquences juridiques importantes concernant les dettes du vendeur.
La responsabilité de l’acquéreur vis-à-vis des dettes fiscales et sociales
Principe de solidarité fiscale
Conformément à l’article 1684, 1 du Code général des impôts, l’acquéreur d’un fonds de commerce peut être tenu solidairement responsable du paiement des impôts directs dus par le vendeur au titre de l’exploitation du fonds. L’administration dispose, à cet effet, d’un délai de 90 jours à compter de la publication de la cession pour faire opposition au paiement du prix entre les mains de l’acquéreur ou du séquestre.
En complément, l’article L.267 A du Livre des procédures fiscales prévoit que cette solidarité s’applique lorsque l’administration établit que le paiement de l’impôt par le vendeur est compromis. Concrètement, cela signifie que le prix de cession peut être bloqué afin de garantir le désintéressement du Trésor public avant toute libération des fonds au profit du cédant.
Cette solidarité s’applique sous réserve de certaines conditions :
- Le vendeur doit avoir une dette fiscale existante au moment de la cession ;
- L’administration doit notifier l’acquéreur dans un certain délai.
En pratique, la publication de la vente au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) déclenche un délai de 10 jours pendant lequel les créanciers peuvent s’opposer à la vente.
Cotisations sociales
En ce qui concerne les dettes sociales, l’acquéreur n’est en principe pas tenu du passif du vendeur. Toutefois, dans certaines situations (notamment en cas de fraude ou complicité), une action des organismes sociaux à l’encontre de l’acquéreur peut être envisagée sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Responsabilité envers les créanciers privés du vendeur
Opposition des créanciers lors de la publication
Selon les dispositions des articles L.141-12 et suivants du Code de commerce, la cession du fonds de commerce doit faire l’objet de formalités de publicité. Les créanciers peuvent présenter une opposition dans un délai de 10 jours suivant la publication au BODACC. Le cas échéant, une partie du prix de vente peut être consignée pour sécuriser le règlement des dettes dues par le vendeur.
Rôle de l’acte de séquestre
Afin de sécuriser la transaction, il est d’usage de faire consigner le prix de vente auprès d’un séquestre (notaire ou avocat), jusqu’à expiration du délai d’opposition. Les parties peuvent également prévoir des clauses de garantie, comme la garantie de passif, censée prémunir l’acquéreur du fonds contre d’éventuelles dettes du vendeur non identifiées au jour de la vente.
Les clauses contractuelles de protection de l’acquéreur
Garantie d’actif et de passif
Il est fortement recommandé d’intégrer dans l’acte de cession une clause de garantie d’actif et de passif. Celle-ci permet à l’acquéreur de se retourner contre le vendeur si des dettes occultes apparaissent après la vente, ayant pour origine des faits antérieurs. Cette garantie vise à transférer la charge financière de ces dettes sur le vendeur.
Clause résolutoire ou de retenue de garantie
Des mécanismes tels que la clause résolutoire (qui annule la vente en cas d’apparition de dettes cachées) ou la clause de retenue de garantie (permettant de conserver une partie du prix de vente pendant une période donnée) offrent également une protection utile à l’acquéreur.
Focus sur les recommandations pratiques
Pour limiter l’exposition aux dettes du vendeur, il est indispensable pour l’acquéreur de :
- Effectuer un audit préalable du fonds (due diligence) avec un expert-comptable et un avocat ;
- Publier l’acte selon les règles imposées par le Code de commerce ;
- Assurer la consignation du prix pendant le délai d’opposition ;
- Inclure dans l’acte une garantie de passif bien rédigée.
Enfin, il est conseillé aux dirigeants de TPE et PME d’être accompagnés par un avocat en cession de fonds de commerce tout au long du processus de rachat.
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