Diffamation : définition et action judiciaire

par | 20 Mai, 2021 | Articles droit des médias, Exprime Avocat

La diffamation est un abus à la liberté d’expression. Elle constitue une infraction prévue par la loi du 29 juillet 1881 et également par le code pénal. La diffamation se définie comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel il est imputé » (art.29 loi du 29 juillet 1881).

Elle exige la réunion de trois éléments, à savoir :

  • Une allégation ou imputation d’un fait précis
  • Une atteinte à l’honneur ou à la considération
  • Une personne identifiée ou identifiable.

Outre ces éléments, la diffamation exige également la publicité des allégations ou imputation des faits. A défaut, la diffamation sera non-publique et sanctionnée par une contravention prévue par l’article R.621-1 du code pénal.

Les éléments matériels de la diffamation devront être caractérisés pour établir l’infraction (1). La personne ayant commis l’infraction pourra se prévaloir de plusieurs moyens de défense en invoquant la véracité des faits ou encore sa bonne foi (2). Il est à rappeler que la loi du 29 juillet 1881 prévoit différentes catégories de diffamation (3). Enfin, l’action en diffamation connaît un régime spécifique avec un délai de prescription de trois mois (4).

Quels sont les éléments caractérisant la diffamation ?

Pour caractériser une diffamation il faudra établir l’existence d’une allégation ou d’un fait imputable précis qui doit être vérifiable peu importe la forme ou le support. Les propos doivent porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime. Enfin, la personne doit être identifiable.

L’allégation ou imputation d’un fait précis

Les faits diffamatoires

Les propos doivent être précis, c’est-à-dire qu’ils doivent être vérifiables. Cela signifie que les faits évoqués par l’auteur de la diffamation doivent pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire. En effet, il doit être possible d’apporter la preuve des faits diffamants ainsi que la preuve contraire.

A titre d’exemple, une journaliste qui se plaignait d’avoir été désigné comme « l’illettrée la plus célèbre du monde » n’a pu obtenir gain de cause devant la Cour de cassation qui a considéré que l’expression n’avait pas de fait précis et relevait de l’injure mais pas de la diffamation (Civ 2ème 16 déc.1999).

Il est de jurisprudence constante que le fait diffamatoire doit se présenter sous la forme d’une « articulation précise de faits de nature à être sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire » (Cass. crim., 3 déc. 1963, n°62-93.121, Cass. crim., 14 févr. 2006, n°05-82.475). A défaut d’une telle articulation, il ne peut s’agir que d’une injure ou encore d’une simple opinion générale.

Les différentes formes de la diffamation

La différence entre l’allégation et l’imputation d’un fait précis n’a aucune portée juridique. L’allégation consiste à exposer des hypothèses ou à répéter des faits, tandis que l’imputation consiste à énoncer un fait directement.

Le plus souvent la jurisprudence ne les distingue pas. L’allégation ou l’imputation d’un fait conduisent tous les deux au mêmes conséquences (Cass. crim 29 mai 2009 n°08-83.381).

L’expression des faits diffamatoire peuvent prendre plusieurs formes : insinuation, doute, allusions ou encore dessin.

La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que la diffamation est caractérisée lorsque l’allégation est effectuée « sous forme déguisée » (Civ. 1er 27 sept. 2005 04-12.148)

Il est à préciser qu’en matière d’images, le lien entre l’image et la personne qui se prétend visée doit pouvoir se faire sans difficultés.

Une atteinte à l’honneur ou à la considération

L’atteinte à l’honneur consiste à toucher à l’intimité d’une personne, à la probité, à la morale.

L’atteinte à la considération consiste à porter atteinte à sa position sociale, à sa situation professionnelle, et notamment le regard des autres.

La jurisprudence considère que l’atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne relève de critère objectif et non subjectif.

Par un arrêt en date du 17 décembre 2015, la Cour de cassation confirme la position du critère objectif de l’atteinte, en considérant que le fait diffamatoire doit « s’apprécier au regard de considérations objectives et non en fonction de la sensibilité personnelle et subjective de la personne visée. »  (17 déc. 2015 n°14-29.549).

Une personne identifiée ou identifiable

La victime peut être une personne physique ou une personne morale.

L’action est exclusivement réservée aux victimes directes (sauf exception prévue par l’article 48-3 de loi du 29 juillet 1881 concernant les associations d’anciens combattant).

Peu importe que la personne ne soit pas expressément nommée, il suffit qu’elle soit reconnaissable. En effet, l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 évoque : « une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. »

Si la personne n’est pas expressément nommée, elle devra démontrer la preuve de son identification sur les propos litigieux. La victime pourra faire citer des témoins. Il faut que l’identification puisse être faite de façon évidente par des proches comme « un cercle restreint d’initiés », constitué par les membres de la famille, amis ou contact professionnel (Cass. 2ème civ., 3 févr. 2000, n°97-22.252 ; Crim. 15 nov.2016 n°15-87.241).

Il est à préciser que l’identification peut se produire à travers les personnages de fiction. En effet, il n’est pas nécessaire que le nom de la personne diffamée soit celui du nom du personnage imaginaire (TGI Paris 17ème ch. 16 nov.2006 aff. Besnier-Burkel).

Enfin, il est à préciser que les produits et les services d’une sociétés ne sont pas protéger par le cadre législatif de la diffamation. Ce sera l’action en dénigrement fondé sur la responsabilité civile (1240 code civil) qui pourra être engagée.

Les moyens de défense contre la diffamation

Il est à rappeler que l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 prévoient deux catégories d’immunité conférer aux débats parlementaires et à l’expression judiciaire. De plus, les faits justificatifs généraux prévus par l’article 122-4 du code pénal peuvent également exclure l’application de la diffamation.

Outre ces exceptions, le prévenu pourra invoquer la véracité des allégations et sa bonne foi.

La véracité des faits réputés diffamatoires

La preuve de la vérité des faits est le premier moyen de défense au fond. Le prévenu doit rapporter la preuve de la vérité. Il dispose d’un délai très court de 10 jours à compter de la citation à comparaître pour préparer ce moyen de défense (art. 55).

La jurisprudence considère que la preuve de la vérité doit être « parfaite, complète, et corrélative aux diverses imputations formulées, dans toute leur matérialité et leur portée ». Compte tenu de cette exigence, ce moyen de défense est difficile à mettre en œuvre.

De plus, il ne sera pas possible d’apporter la preuve des allégations si l’imputation concerne la vie privée de la personne (art.35) sauf dans certain cas, viols agressions sexuelles, inceste, exhibition sexuelles (art. 222-23 ; 222-32 ; 227-22 ; 227-27 C.P).

Dès lors, l’exceptio veritatis n’est quasiment jamais retenu compte tenu des difficultés procédurales et de l’impossibilité de l’invoquer en cas d’atteinte à la vie privée.

Sur la bonne foi en diffamation

En diffamation, la bonne foi requiert la preuve de quatre éléments : le motif légitime, le sérieux de l’enquête, l’absence d’animosité personnelle ainsi que la prudence et la mesure dans l’expression.

Le motif légitime est rarement remis en cause sauf si le but poursuivi est exclusivement malveillant ou malsain (Cass. crim, 23 mai 2001, n°98-22.057). En effet, le but poursuivi se doit d’informer et pas de nuire.

Le sérieux de l’enquête fait l’objet d’une appréciation par les juges. Ils vérifient les moyens d’investigation utilisés par l’auteur des propos. L’auteur de la diffamation devra avoir disposé, au moment où il a publié ses propos, d’éléments suffisants pour croire à la vérité, documents, rapports existant sur le sujet et effectuer tous les recoupements nécessaires. Ainsi cela caractérisera le sérieux de l’enquête mais reste insuffisant pour démontrer sa bonne foi.

En effet, les juges apprécient également le ton et la prudence de l’auteur dans ses propos. Cela permet également de vérifier l’existence d’une animosité personnelle ou pas de l’auteur.

L’animosité personnelle peut en effet se caractériser par un ton agressif, des attaques virulentes et une multiplicité d’accusations (Cass. crim., 3 oct. 2006, n°05-85.725). L’absence d’animosité personnelle est exclusive à la bonne foi (Cass. crim., 30 mars 2005, n°04-83.543).

Il appartient à l’auteur de la diffamation de démontrer tous ces éléments pour établir sa bonne foi. Toutefois, compte tenu de l’avènement des nouveaux médias, blogs, forums, posts et autres, les critères d’application de la bonne foi sont moins rigoureux que pour les journalistes professionnels (Crim. 15 mars 2016 n°14-88.072)

La jurisprudence considère en effet que le bloggeur n’est pas tenu de se livrer à une enquête complète et la plus objective possible sur les faits.

Quels sont les différentes catégories de diffamation ?

La diffamation présente différentes catégories en raison de la qualité de la victime, de sa nature ou de son caractère non-publique.

Ainsi, les sanctions seront plus ou moins sévères en fonction de la personne faisant l’objet de la diffamation. En outre le code pénal prévoit également un délit portant sur la diffamation non-publique.

La diffamation de droit commun :

Au sein de la diffamation de droit commun on distingue : Celle prévue par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, la diffamation en raison de la race, de la religion, de l’origine ou de l’ethnie de la personne diffamée (article 32, alinéa 2) mais encore en raison de son orientation sexuelle, de son sexe ou de son handicap (article 32, alinéa 3º).

Sanction : La diffamation de droit commun est sanctionnée par une amende de 12 000 euros.

La peine est d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende si la diffamation a un caractère racial, ethnique ou religieux, ou a été commise à raison du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou du handicap, le tribunal pouvant ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision et la peine de stage de citoyenneté.

La diffamation spéciale :

Il existe aussi des diffamations spéciales définies en considération de la qualité de la victime ou du contenu des propos diffamatoires :

Diffamations envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l’air, les corps constitués et les administrations publiques (art. 30) ;

A l’égard de la représentation nationale, les fonctionnaires, dépositaires ou agents de l’autorité publique et les citoyens chargés d’un service ou d’un mandat public (art. 31) ; ou envers la mémoire des morts (art. 34).

La peine encourue en cas de diffamation envers les corps ou personnes désignés par les articles 30 et 31 est une amende de 45 000 euros.

La diffamation non publique : 

La diffamation non publique est prévue et réprimée comme contravention de première classe par l’article R. 621-1 du Code pénal.

La jurisprudence exclut la diffamation non publique lorsque le diffamé est destinataire d’une lettre privée et confidentielle. (Cassa. crim,, 11 avr. 2012, n°11-87688).

L’action en diffamation

Le délai de prescription de l’action publique est de trois mois ou un an si la diffamation est commise en raison de l’origine, de l’ethnie, de la nation, de la race, de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou du handicap.

Le délai commence à courir à compter du jour où l’infraction a été commise ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait (art.65 et 65-3).

L’imputation de la diffamation est un système de responsabilité en cascade.

Ainsi les responsables suivent l’ordre suivant : le directeur de publication ou l’éditeur ; à défaut, l’auteur ; à défaut, l’imprimeur ; à défaut, le vendeur, le distributeur ou l’afficheur (art.42 ; art.93-2 et 93-3).

Le cabinet vous assiste dans le cadre d’une action en diffamation ou pour des conseils sur l’opportunité d’une poursuite.

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