Nomenclature Dintilhac : évalution et indémnisation du dommage

par | 31 Jan, 2025 | Exprime Avocat, Vie quotidienne

Depuis son introduction en 2005, la nomenclature Dintilhac constitue une référence incontournable en matière d’indemnisation du dommage corporel. Destinée à structurer et uniformiser l’évaluation des préjudices des victimes d’accidents, cette nomenclature a profondément modifié la pratique juridictionnelle en droit de la responsabilité. Cet article propose une analyse approfondie de son contenu, de ses implications pratiques et des enjeux qu’elle soulève.

Genèse et objectifs de la nomenclature Dintilhac

La nomenclature Dintilhac a été élaborée par un groupe de travail présidé par Jean-Pierre Dintilhac, alors président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. Elle répond à un double impératif : garantir une meilleure lisibilité de l’indemnisation du dommage corporel et assurer une plus grande égalité de traitement entre les victimes. Elle propose une classification détaillée des postes de préjudice, permettant d’éviter une évaluation trop subjective et disparate.

L’un des objectifs fondamentaux de cette nomenclature est d’offrir une approche systématique, favorisant ainsi une réparation intégrale des préjudices subis. En ce sens, elle ne constitue pas un barème indemnitaire strictement contraignant mais plutôt un cadre structurant servant de guide aux juges et aux experts.

Structuration des préjudices selon la nomenclature Dintilhac

La nomenclature Dintilhac distingue trois grandes catégories de préjudices : les préjudices patrimoniaux temporaires et permanents, les préjudices extrapatrimoniaux temporaires et permanents, ainsi que les préjudices spécifiques des proches.

Les préjudices patrimoniaux

Ces préjudices recouvrent les pertes économiques subies par la victime et peuvent être temporaires ou permanents.

Avant consolidation

  • Dépenses de santé actuelles : frais médicaux, hospitalisation, médicaments.
  • Frais divers : coûts liés à l’adaptation temporaire du domicile, déplacements pour soins, aides techniques provisoires.
  • Pertes de gains professionnels actuels : perte de revenus durant la période d’incapacité temporaire de travail.

Après consolidation

  • Dépenses de santé futures : traitements et appareillages nécessaires à vie.
  • Assistance par tierce personne : aide humaine permanente pour les actes du quotidien.
  • Pertes de gains professionnels futurs : réduction ou suppression définitive de la capacité de travail.
  • Incidence professionnelle : dévalorisation sur le marché du travail, préjudice de carrière.
  • Préjudice scolaire, universitaire ou de formation : conséquences sur les perspectives éducatives et professionnelles de la victime.

Les préjudices extrapatrimoniaux

Ces préjudices concernent l’atteinte à l’intégrité physique et psychologique de la victime.

Avant consolidation

  • Déficit fonctionnel temporaire (DFT) : incapacité temporaire à accomplir les actes usuels de la vie.

Après consolidation

  • Déficit fonctionnel permanent (DFP) : atteinte définitive à l’intégrité physique et mentale.
  • Souffrances endurées : évaluation des douleurs physiques et psychiques.
  • Préjudice esthétique : altérations visibles du corps.
  • Préjudice d’agrément : impossibilité de pratiquer des activités sportives, culturelles ou de loisirs.
  • Préjudice sexuel : atteinte aux fonctions reproductives ou au plaisir sexuel.
  • Préjudice d’établissement : impossibilité de fonder une famille.

Les préjudices des proches

Les proches des victimes peuvent également prétendre à une indemnisation sous certaines conditions.

  • Préjudices patrimoniaux : charges financières supplémentaires (assistance, perte de revenus liée à l’aide apportée à la victime).
  • Préjudices extrapatrimoniaux : souffrance morale causée par l’accident d’un proche.

Application de la nomenclature

Depuis son adoption, la jurisprudence a largement consacré la nomenclature Dintilhac comme un référentiel fondamental dans l’évaluation du préjudice. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont précisé la portée et l’interprétation des différents postes de préjudices.

  • Perte de chance : la Cour de cassation a régulièrement admis que la perte d’une chance, notamment en matière médicale, constitue un préjudice réparable dès lors qu’elle repose sur une probabilité réelle et sérieuse.
  • Autonomie du préjudice permanent exceptionnel : dans un arrêt du 16 janvier 2014, la Cour de cassation a reconnu un poste de préjudice spécifique permettant d’indemniser des conséquences atypiques non couvertes par d’autres postes de préjudice.
  • Évaluation du préjudice d’agrément : la jurisprudence a précisé que l’indemnisation du préjudice d’agrément ne se limite pas à la seule impossibilité de pratiquer une activité précise, mais inclut également la diminution globale de la qualité de vie.

Rappel des conditions d’engagement de la responsabilité Civile

Pour engager la responsabilité civile d’une personne en cas de dommage corporel, trois conditions doivent être réunies :

  • Un fait générateur : il peut s’agir d’une faute (article 1240 du Code civil), d’un fait de l’homme sans faute (responsabilité du fait des choses, article 1242 du Code civil) ou d’une responsabilité spécifique comme celle des parents pour leurs enfants.
  • Un dommage réparable : le préjudice doit être certain, personnel et direct.
  • Un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage.

Selon les circonstances, le régime applicable peut être celui de la responsabilité pour faute, de la responsabilité du fait des choses ou de la responsabilité objective, comme en matière d’accidents de la circulation soumis à la loi Badinter du 5 juillet 1985.

Critiques

Si la nomenclature Dintilhac a permis une meilleure structuration de l’indemnisation des victimes, elle n’est pas exempte de critiques. Certains spécialistes soulignent le risque d’une standardisation excessive qui pourrait nuire à la personnalisation des indemnisations. De plus, la jurisprudence continue d’affiner son application, notamment pour intégrer de nouveaux préjudices liés à l’évolution des modes de vie et des progrès médicaux.

À l’avenir, des ajustements pourraient être envisagés pour mieux prendre en compte certaines situations spécifiques, comme les préjudices liés aux nouvelles technologies ou les conséquences des accidents médicaux complexes.

Conclusion

La nomenclature Dintilhac constitue un cadre essentiel pour assurer une indemnisation équitable et prévisible des dommages corporels. Son application par les juridictions a permis de sécuriser le processus indemnitaire tout en offrant une meilleure lisibilité aux victimes et aux professionnels du droit. Toutefois, son évolution future dépendra des besoins de la pratique judiciaire et des évolutions législatives à venir.

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