Indépendance du contrat de transport et du contrat de vente

par | 18 Oct, 2024 | Articles droit des transports, Exprime Avocat

Le contrat de transport de marchandises occupe une place centrale dans les échanges commerciaux, garantissant le déplacement sécurisé des biens entre le vendeur et l’acheteur. Cependant, bien que le transport soit souvent lié à une vente, il est fondamental de distinguer les deux contrats sur le plan juridique. L’indépendance entre le contrat de vente et le contrat de transport entraîne des conséquences spécifiques quant aux obligations, droits et responsabilités des parties concernées. Cet article explore les principes régissant la distinction entre ces deux contrats, l’inopposabilité du contrat de vente au transporteur, ainsi que l’attribution des risques liés au transport des marchandises.

Indépendance du contrat de transport vis-à-vis du contrat de vente

Le contrat de vente et le contrat de transport sont des conventions juridiquement distinctes, conclues entre des parties différentes. Le transporteur, également appelé voiturier, n’est pas partie au contrat de vente et n’a aucune obligation envers les stipulations de ce dernier. L’article L. 132-7 du Code de commerce souligne cette séparation en précisant que les marchandises, dès leur sortie des locaux du vendeur, voyagent aux risques et périls de celui à qui elles appartiennent, sauf convention contraire.

Relations vendeur/acheteur dans l’opération de transport

Bien que le contrat de vente puisse affecter la façon dont le transport est organisé, notamment en termes de frais de transport (port payé ou port dû), ces modalités n’affectent que la relation entre le vendeur et l’acheteur. Par exemple, dans une vente « franco », le vendeur est responsable de l’organisation du transport, tandis que dans une vente « départ », c’est à l’acheteur de s’en charger. Toutefois, ces distinctions contractuelles restent inopposables au transporteur.

Le transporteur : indifférent au contrat de vente

Le transporteur n’a aucune connaissance ou implication dans les modalités du contrat de vente. Il n’est lié qu’au contrat de transport qu’il a conclu avec l’expéditeur (souvent le vendeur). Par conséquent, il ne peut être tenu par les stipulations du contrat de vente, que ce soit pour s’y soustraire ou s’en prévaloir. La jurisprudence, telle que l’arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2013 (n°12-10.159), illustre clairement que le transporteur ne peut invoquer les clauses du contrat de vente, même lorsqu’elles concernent des aspects logistiques du transport.

Portée des mentions figurant sur les documents de vente

Il est courant que des documents de vente accompagnent la marchandise lors du transport, comme les factures ou bons de commande. Cependant, selon une jurisprudence bien établie, le transporteur n’est pas lié par les mentions figurant sur ces documents, sauf si elles sont explicitement reprises dans les documents relatifs au contrat de transport, tels que la lettre de voiture. Le contrat type général de transport, régi par le décret n°2017-461 du 31 mars 2017, affirme ce principe en stipulant que « les mentions figurant sur les documents étrangers au contrat de transport sont inopposables au transporteur ».

Toutefois, dans certaines situations exceptionnelles, la jurisprudence a pu retenir une attitude du transporteur qui, par ses actions, s’engage volontairement à respecter certaines conditions du contrat de vente. Par exemple, une cour d’appel a jugé qu’un commissionnaire s’était engagé par une clause « paiement contre documents » figurant sur une facture, dès lors qu’il avait établi la lettre de transport en y reportant les références de cette facture (Cass. com., 8 janvier 1985, n°83-11.414).

Attribution des risques du transport

L’un des enjeux les plus important dans la relation entre contrat de vente et contrat de transport concerne la question des risques associés à la marchandise pendant le transport. En principe, les risques du transport incombent à celui qui est propriétaire de la marchandise au moment de son enlèvement. Cela implique que, sauf stipulation contraire, les marchandises voyagent aux risques de l’acheteur dès qu’elles quittent les locaux du vendeur. Ce principe s’applique également aux ventes « franco », malgré le fait que le vendeur supporte les frais de transport.

Vente départ

Dans une vente « départ », la marchandise est transférée aux risques de l’acheteur dès qu’elle quitte les locaux du vendeur. Ce dernier n’est donc plus responsable des éventuels dommages subis par la marchandise pendant le transport.

Vente « franco »

Bien que le terme « franco » signifie que le vendeur prend en charge les frais de transport jusqu’à la destination finale, il n’en résulte pas un transfert différé des risques. En d’autres termes, la marchandise voyage aux risques de l’acheteur dès qu’elle est remise au transporteur, et non au moment de la livraison. Cette règle est confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt du 17 mai 1983 (n°82-10.187), qui établit que le terme « franco » ne concerne que les frais de transport et non le transfert des risques.

Vente avec réserve de propriété

Lorsque le contrat de vente comporte une clause de réserve de propriété, la marchandise reste la propriété du vendeur jusqu’au paiement intégral du prix. Toutefois, même dans ce cas, la marchandise voyage aux risques de l’acheteur à moins qu’une clause spécifique ne stipule le contraire. Ainsi, une vente « franco » avec réserve de propriété ne suspend pas le transfert des risques, sauf stipulation contraire dans le contrat de vente.

L’obligation de paiement malgré les risques du transport

Enfin, lorsqu’un contrat de vente stipule que les risques du transport incombent à l’acheteur, celui-ci demeure tenu de payer le prix convenu, même si la marchandise est perdue ou endommagée en cours de route, tant que le vendeur n’a commis aucune faute dans l’expédition. Par exemple, si une marchandise est perdue pendant le transport sans faute de l’expéditeur, l’acheteur ne peut se soustraire à son obligation de paiement sous prétexte qu’il n’a pas reçu la marchandise. Cet aspect est essentiel, car il illustre la répartition des risques inhérente à la nature du contrat de vente et non à celle du transport.

Conclusion

Le contrat de vente et le contrat de transport sont indépendants. Les responsabilités et obligations qui découlent de ces deux conventions sont distinctes, tant pour le vendeur que pour le transporteur. La qualification des risques du transport et leur attribution sont donc primordiales dans les rapports entre l’acheteur et le vendeur, mais n’affectent en rien le transporteur, qui n’est lié qu’au contrat de transport qu’il a conclu avec son cocontractant. Ces principes garantissent une certaine clarté dans la répartition des responsabilités et permettent de protéger efficacement les intérêts de toutes les parties en jeu.

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