Dans le cadre d’un bail commercial, les relations entre le bailleur et le preneur ne se limitent pas à la mise à disposition du local contre paiement d’un loyer. De nombreuses charges incombant à l’immeuble ou au local loué peuvent être facturées au locataire. Parmi elles, les taxes récupérables et les charges d’exploitation ou d’entretien suscitent régulièrement des litiges bailleur locataire.
Cet article revient sur le cadre juridique applicable aux charges récupérables en matière de bail commercial, les points de vigilance à avoir lors de la rédaction du contrat, et les principales sources de contentieux rencontrées dans la pratique.
Le régime juridique des charges récupérables dans le bail commercial
La liberté contractuelle encadrée par la loi Pinel
En matière de bail commercial, le principe de liberté contractuelle permet aux parties de répartir comme bon leur semble les charges afférentes au local loué. Toutefois, la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi Pinel, a introduit des garde-fous concernant la répartition des charges et impôts.
Depuis le 5 novembre 2014, le bailleur est tenu de fournir annuellement un état récapitulatif des charges, impôts, taxes et redevances, précisant leur nature et leur répartition entre bailleur et preneur. Cette transparence est obligatoire pour les baux commerciaux conclus ou renouvelés après cette date.
En outre, pour les ensembles immobiliers, le bailleur doit transmettre un budget prévisionnel des charges en début d’exercice, puis une régularisation annuelle accompagnée des justificatifs correspondants (factures, contrats de maintenance, relevés). L’absence de communication peut justifier une contestation du locataire.
Interdictions légales prévues par le décret du 3 novembre 2014
Le décret n°2014-1317 précise, à son article R.145-35 du code de commerce, les charges qui ne peuvent pas être imputées au locataire, même conventionnellement :
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Les dépenses relatives aux grosses réparations visées par l’article 606 du Code civil ;
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Les impôts et taxes liés à la propriété du bien (ex. : taxe foncière, contribution économique territoriale due par le propriétaire) ;
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Les honoraires liés à la gestion technique des locaux (ex. : gestion immobilière confiée à un cabinet).
En revanche, les travaux d’entretien courant (peinture, réparations locatives, maintenance des équipements) et les travaux de mise en conformité imposés par la réglementation peuvent être mis à la charge du locataire, à condition que cela soit clairement stipulé dans le bail.
Les principaux litiges relatifs aux charges récupérables
Charges non justifiées ou facturation abusive
Une cause fréquente de litiges bailleur-locataire tient à l’absence de justificatifs des charges facturées, ou à une surfacturation. Le bailleur doit être en mesure de fournir des pièces probantes (factures, contrats, relevés de charges d’immeuble) pour chaque dépense refacturée au preneur.
L’absence de transparence peut permettre au locataire de contester la régularité de la facturation, voire d’en solliciter le remboursement par voie judiciaire.
Défaut de répartition claire dans le bail
Certains contrats de bail commercial font l’économie d’une répartition détaillée des charges. Cette imprécision ouvre la voie à des interprétations divergentes, notamment sur la prise en charge :
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Des travaux sur les parties communes ;
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Des contrats d’entretien (ascenseur, climatisation, sécurité incendie, etc.) ;
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Des taxes d’enlèvement des ordures ménagères et autres taxes locales.
L’absence d’encadrement contractuel précis est régulièrement à l’origine d’actions en nullité partielle de clauses ou en recouvrement frauduleux.
Recours du locataire en cas de litige
En cas de désaccord, le locataire dispose de plusieurs leviers :
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demander au juge une communication forcée des justificatifs (article 145 CPC, mesures d’instruction avant procès) ;
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saisir le tribunal judiciaire pour obtenir le remboursement des charges indûment facturées ;
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demander que les clauses contraires au décret du 3 novembre 2014 soient réputées non écrites.
Les tribunaux sanctionnent régulièrement les bailleurs qui manquent de transparence ou qui imputent illégalement certaines dépenses au locataire.
Bonnes pratiques pour prévenir les litiges
La rédaction attentive du contrat de bail
Pour prévenir les différends, il importe que le bail prévoie de manière très précise :
- La liste des charges imputables au locataire ;
- La répartition entre parties pour chaque poste ;
- La méthode de calcul ou de répartition des charges communes ;
- Les modalités de régularisation annuelle avec obligation de production des justificatifs.
Cette prévention contractuelle est essentielle pour éviter d’éventuelles contestations futures ou une requalification judiciaire de certaines clauses aux dépens du bailleur.
Le rôle de l’avocat dans la négociation ou la renégociation
Un avocat peut sécuriser juridiquement un bail commercial dès la phase de négociation. Son intervention est d’autant plus précieuse lorsqu’un litige relatif aux taxes récupérables ou aux charges bail commercial émerge :
- Conformité du bail avec le décret du 3 novembre 2014 ;
- Relecture ou réécriture des clauses sensibles ;
- Accompagnement dans une procédure de médiation ou contentieuse.
La complexité croissante de cette matière justifie un accompagnement juridique stratégique pour les dirigeants de sociétés occupant un local commercial.
Conclusion : vers une vigilance contractuelle accrue
Les charges bail commercial et taxes récupérables demeurent des points de friction classiques dans les relations bailleur-locataire. Une rédaction claire du bail, en conformité avec les textes en vigueur, est la meilleure garantie pour prévenir les litiges bailleur locataire.
Une attention particulière doit être portée lors de la signature ou du renouvellement de contrat, avec l’accompagnement d’un professionnel du droit afin d’identifier les clauses potentiellement sources de contentieux.
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