Déclaration d’appel : Assouplissement sur l’objet de l’appel ?

par | 21 Oct, 2023 | Actualités juridiques

Jurisprudence

La déclaration d’appel doit respecter certaines mentions obligatoires prévues par le code de procédure civile pour être recevable. Celle-ci doit notamment mentionner les chefs de jugement critiqués et l’objet de l’appel. L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 14 septembre 2023 (Civ. 2e, 14 sept. 2023, F-B, n° 20-18.169) offre une analyse intéressante sur ces mentions obligatoires.

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, une société en liquidation judiciaire avait interjeté appel d’une ordonnance du juge-commissaire reconnaissant une créance de prêt comme privilégiée. Si la déclaration d’appel visait une réformation de la décision, les conclusions soumises à la Cour d’appel étaient, elles, en faveur de son annulation.

La Cour d’appel a finalement annulé la décision initiale, alors même que l’objet exprimé initialement était une demande de réformation. La banque, créancière, se pourvoit en cassation, estimant que la Cour d’appel ne pouvait pas statuer compte de l’absence de l’effet dévolutif de l’appel.

Les enjeux juridiques

L’enjeu central de cette décision porte sur les mentions obligatoires de la déclaration d’appel et, notamment son objet, ainsi que le rôle des conclusions déposées postérieurement. L’acte d’appel doit-il mentionné s’il tend à une réformation ou à une annulation du jugement initial ? Ou bien est-ce que ces précisions peuvent-elles être réservées aux conclusions ultérieures ?

L’analyse de la Cour de cassation

La Cour commence par rappeler les dispositions du code de procédure civile qui encadrent l’appel (562, 901, 542, 954 du CPC).

Puis elle pose un principe intéressant en considérant que :

« Il en résulte que la déclaration d’appel qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués délimite l’étendue de l’effet dévolutif de l’appel quand les conclusions, par l’énoncé dans leur dispositif, de la demande d’infirmation ou d’annulation du jugement déterminent, quant à elles, la finalité de l’appel, qui tend à l’annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d’appel.

« Il en découle que lorsque la déclaration d’appel vise l’ensemble des chefs de dispositif du jugement, l’appelant a la faculté de solliciter dans ses conclusions, soit la réformation, soit l’annulation de cette décision. »

Selon la Cour de Cassation, les chefs du jugement critiqués au sein de la déclaration d’appel déterminent l’étendue de la dévolution à la Cour d’appel. C’est ensuite aux conclusions de préciser l’objet de l’appel, c’est-à-dire s’il vise une réformation ou une annulation du jugement.

La Haute juridiction, dans sa décision, semble opérer une distinction entre l’effet dévolutif de l’appel, et la finalité de l’appel qui serait déterminée par les conclusions. Cette distinction est novatrice et soulève plusieurs questions.

Une décision critiquable ?

L’approche adoptée par la Cour de cassation pourrait surprendre. En effet, traditionnellement, l’objet de l’appel est considéré comme étant déterminé dès la déclaration d’appel, afin d’informer la partie intimée de la nature de l’appel qui est formé contre elle. De plus, l’objet de l’appel est une mention obligatoire qui doit figurer sur la déclaration d’appel conformément à l’article 901 du CPC qui renvoi à l’article 54.2° du CPC.

En décidant que cet objet peut être modulé ou précisé ultérieurement dans les conclusions, la Cour semble s’éloigner de cette logique et des textes.

Pourtant, cette décision ne semble pas critiquable. En effet, cette solution pouvait être prévisible compte tenu des dernières décisions rendues selon lesquelles l’absence de la mention de l’objet de l’appel (infirmation ou annulation) n’a aucune incidence sur la déclaration de l’appel.

« S’il n’est pas contesté que l’acte d’appel a omis de préciser l’objet de l’appel, à savoir l’infirmation, la réformation ou l’annulation de la décision déférée, cet acte contient bien les chefs du jugement critiqués

En énumérant les chefs du jugement qu’elle critique, la déclaration d’appel les a déférés à la connaissance de la cour, qui se trouve valablement saisie au regard de l’effet dévolutif qui s’attache aux chefs du jugement expressément critiqués par la société SQLF  (Cour d’appel de Paris arrêt du 31 mai 2023, RG nº 22/18593)

Position également reprises par la Cour d’appel de Caen en date du 13 avril 2023 :

« En effet, en application de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent ;

Dès lors, ce texte ne visant pas la mention de l’objet de l’appel, seule l’absence de mention des chefs de jugement critiqués fait obstacle à la dévolution ; (Cour d’appel de Caen, Arrêt du 13 avril 2023, RG nº 21/02203).

Pour enfin être reconnu par la Cour de cassation :

Aucune disposition du code de procédure civile n’exige que la déclaration d’appel mentionne, s’agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu’il en est demandé l’infirmation (25 mai 2023 Cour de cassation – Pourvoi n° 21-15.842).

L’absence de sanction en cas d’omission de l’objet de l’appel au sein de la déclaration d’appel peut se justifier et semble adaptée. Il ne faudrait pas priver le requérant de son droit d’être jugé à nouveau pour une irrégularité d’un acte procédural qui ne relève même pas des dispositions « autonome » de la procédure d’appel (901 CPC et suivants contre 54 CPC). De plus, les conclusions de l’appelant contiennent l’objet de l’appel qui viennent “régulariser l’irrégularité” de la déclaration d’appel.

Dans la présente décision, la Cour de cassation va plus loin que la simple régularisation de la déclaration d’appel. Elle vient assouplir ou plutôt autoriser la modification de l’objet de l’appel.   

Un assouplissement ?

La décision rendue par la Cour de cassation le 14 septembre 2023 marque une évolution en offrant une certaine flexibilité aux parties appelantes. En pratique cette flexibilité pouvait déjà être trouvée si l’avocat mentionnait dans sa déclaration d’appel que « l’objet de l’appel tend à l’annulation, ou à tout du moins l’infirmation du jugement ». Cette décision vient maintenant clairement affirmer que l’appelant peut solliciter dans ses conclusions, soit la réformation, soit l’annulation de la décision, peu importe ce qui a été mentionné dans l’objet de la déclaration d’appel.

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Sur le même thème (de manière générale) : Comment faire appel d’un jugement ? Procédure et conditions.

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