Fraude bancaire et négligence : Quand la responsabilité du banquier prime

par | 20 Nov, 2024 | Actualités juridiques

Jurisprudence

Arrêt Cour de cassation, ch.com, 20 novembre 2024 -Pourvoi n° 23-15.099

Cet arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 20 novembre 2024 aborde la question des obligations du prestataire de services de paiement en cas de fraude liée à une carte bancaire. La décision met en lumière les conditions nécessaires pour engager la responsabilité de l’utilisateur et examine les exigences légales en matière de preuve pour les opérations non autorisées.

Rappel des faits

M. [E] [S] a ouvert un compte bancaire sans autorisation de découvert. En mars 2018, des opérations litigieuses (virements, paiements, retraits) ont été effectuées sur son compte, avant qu’il ne dépose plainte pour vol de sa carte bancaire.

La Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes l’a assigné en paiement du solde débiteur. La cour d’appel de Riom l’a condamné au paiement de 50 097,78 €, retenant qu’il avait commis des négligences graves.

Problème juridique

Le banquier peut-il se limiter à invoquer la négligence grave de l’utilisateur pour s’éxonérer de responsabilité, sans prouver que les opérations litigieuses étaient authentifiées, enregistrées et exemptes de déficience technique ?

Solution apportée par la Cour de cassation

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel en rappelant que, conformément aux articles L. 133-19, IV, et L. 133-23 du Code monétaire et financier, le prestataire doit établir :

  1. L’authentification des opérations litigieuses ;
  2. Leur enregistrement et comptabilisation ;
  3. L’absence de déficience technique ou autre.

La cour d’appel n’ayant pas recherché si ces conditions étaient remplies, sa décision est privée de base légale.

Brève analyse juridique

Les obligations du prestataire de services de paiement : La décision réaffirme la stricte responsabilité du prestataire. Ce dernier doit prouver non seulement la faute grave de l’utilisateur mais aussi la régularité technique des opérations. Cette approche protège les droits des consommateurs, même en cas de négligence.

Les négligences graves de l’utilisateur : La remise de la carte et des codes à un tiers constitue effectivement une faute lourde. Toutefois, cette seule faute ne suffit pas à exonérer la banque si elle ne démontre pas le respect de ses propres obligations légales.

Portée de l’arrêt

Cet arrêt est un rappel important pour les banques et autres prestataires.

L’utilisateur négligent n’est pas automatiquement responsable. En matière d’opérations frauduleuses, la charge de la preuve reste élevée pour le prestataire, qui doit démontrer la régularité de toutes les étapes du traitement de l’opération.

Attention toutefois, cette arrêt concerne un particulier, et la décion a l’égard d’un professionnel pourrait être différente étant donné qu’il est possible de déroger au titulaire de la charge de la preuver (article L. 133-2 du CMF).

Quoiqu’il en soit, l’arrêt du 20 novembre 2024 marque une avancée dans la protection des consommateurs et la lutte contre la fraude bancaire : 

Il rappelle que la négligence grave de l’utilisateur n’exonère pas la banque de ses propres obligations.

Cette jurisprudence sera sans doute invoquée dans des litiges similaires pour clarifier la répartition des responsabilités entre banques et clients.

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