La garantie d’éviction est un mécanisme essentiel de protection de l’acquéreur lors de la cession d’un fonds de commerce. Dans les faits, elle est source de nombreux différends entre les parties, en particulier quand les engagements contractuels sont mal formulés ou mal interprétés. Cet article détaille les enjeux juridiques de cette garantie, les litiges fréquents et les bonnes pratiques à adopter pour se prémunir contre les conflits.
Définition et portée de la garantie d’éviction
Origine juridique
La garantie d’éviction tire son fondement du Code civil, notamment des articles 1626 et suivants relatifs à la vente. Elle s’applique de plein droit lors de la vente d’un bien, y compris dans le cadre de la cession d’un fonds de commerce.
Le vendeur s’engage à garantir l’acquéreur contre tout trouble, qu’il soit de fait ou de droit, portant atteinte à la jouissance paisible du bien cédé.
Application au fonds de commerce
Dans le cadre de la vente d’un fonds de commerce, la garantie couvre principalement :
- Les troubles de droit (revendication de propriété sur le fonds ou l’un de ses éléments par un tiers),
- Les troubles de fait imputables au vendeur (exercice d’une activité concurrente, détournement de clientèle),
- La non-livraison paisible des éléments du fonds (matériel, droit au bail, enseigne, clientèle, etc.).
Litiges fréquents liés à la garantie d’éviction
Concurrence déloyale du vendeur après cession
C’est l’un des cas de conflit les plus fréquents. Malgré une clause de non-concurrence, certains vendeurs relancent une activité similaire à proximité, détournant ainsi la clientèle vendue. L’acquéreur peut alors agir pour faire sanctionner cette violation au titre de la garantie d’éviction.
Pour être valable, la clause de non-concurrence doit toutefois respecter certaines conditions :
- Être limitée dans le temps (généralement 2 à 5 ans),
- Être limitée dans l’espace (zone de chalandise raisonnable),
- Être proportionnée à l’activité cédée.
Eviction par un tiers revendiquant un droit sur le fonds
Dans certains cas, un tiers (ancien propriétaire, copropriétaire ou créancier) peut revendiquer un droit sur tout ou partie du fonds de commerce. Si cette revendication est fondée en droit, et fait obstacle à la jouissance paisible du fonds, l’acquéreur peut exercer un recours contre le vendeur sur le fondement de la garantie d’éviction.
Inexactitudes dans les éléments cédés
Le contrat de cession peut inclure une liste inexacte ou incomplète des éléments du fonds (matériel hors service, droit au bail inexistant, fichier client inexploitable). Ce défaut d’information peut également être qualifié de trouble et ouvrir droit à une indemnisation de l’acquéreur.
Les précautions à prendre lors de la cession
Clauses contractuelles à renforcer
Pour prévenir tout litige entre acquéreur et vendeur, il est fortement conseillé de porter une attention particulière à la rédaction de certaines clauses :
- Clause de garantie d’éviction renforcée : elle peut prévoir l’étendue exacte de la garantie, sa durée, et les sanctions applicables.
- Clause de non-concurrence détaillée et conforme aux exigences légales.
- Inventaire des éléments du fonds : le contrat doit lister de manière exhaustive et précise les éléments corporels et incorporels transmis.
Audit préalable à la vente
Il est recommandé à l’acquéreur de diligenter un audit juridique et commercial du fonds de commerce avant toute signature. Cela permet de découvrir d’éventuelles irrégularités ou contentieux en cours, qui pourraient affecter la jouissance paisible du fonds.
Recours possibles en cas de litige
Action en responsabilité contractuelle
L’acquéreur peut agir contre le vendeur devant le tribunal judiciaire pour obtenir réparation du préjudice subi, notamment si la garantie d’éviction a été violée.
Demande d’annulation ou de réduction du prix
En cas de trouble grave, l’acquéreur peut demander soit une résolution partielle ou totale du contrat de cession, soit une diminution du prix de vente proportionnelle à la perte de valeur du fonds.
Injonction judiciaire et dommages-intérêts
Le tribunal peut également prononcer, le cas échéant :
- Une interdiction d’activité au profit du vendeur,
- Le versement de dommages-intérêts à l’acquéreur.
Conclusion
La garantie d’éviction permet d’assurer à l’acquéreur une protection essentielle contre les troubles affectant son droit sur le fonds de commerce. Toutefois, une vigilance contractuelle est nécessaire pour prévenir les conflits fréquents. Une rédaction adaptée des clauses, accompagnée de conseils juridiques professionnels, reste le meilleur rempart contre les litiges futurs entre acquéreur et vendeur.
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