Cadre juridique des relations entre transporteurs et donneurs d’ordre
Les relations commerciales entre un donneur d’ordre (généralement une entreprise qui expédie ou reçoit des marchandises) et un transporteur (prestataire de transport) sont encadrées par des règles précises issues du code de commerce, du code des transports et des conditions générales de la profession. Lorsque ces règles sont méconnues, elles peuvent donner lieu à des litiges avec les transporteurs aux conséquences importantes pour les entreprises concernées.
Les obligations du transporteur
Le transporteur routier est tenu à une obligation de résultat relative à la livraison des marchandises, à savoir :
- La prise en charge et le transport conforme des marchandises,
- Le respect du délai de livraison convenu,
- La délivrance de la marchandise au destinataire en bon état.
En cas de retard, d’avarie ou de perte, sa responsabilité peut être engagée, sauf cas de force majeure, vice propre de la marchandise ou faute de l’expéditeur ou du destinataire.
Les engagements du donneur d’ordre
Le donneur d’ordre a pour sa part l’obligation de fournir des instructions claires, précises et complètes au transporteur, notamment en matière de :
- Coordonnées de livraison,
- Nature des marchandises,
- Délais impératifs à respecter,
- Conditions spécifiques de transport.
Il est également tenu de régler le prix du transport dans les délais prévus au contrat ou aux conditions générales acceptées.
Le rôle du contrat type de transport
En l’absence de convention particulière entre les parties, les relations sont régies par le contrat type applicable au transport public routier de marchandises (décret n°99-269 du 6 avril 1999 modifié).
Ce contrat type fixe des règles impératives, notamment :
-
Les délais de livraison,
-
Les conditions de responsabilité du transporteur,
-
Les modalités de réserve et de réclamation.
Il constitue une base légale incontournable pour arbitrer les litiges lorsqu’aucun accord spécifique n’a été conclu.
Principaux contentieux routiers entre transporteurs et donneurs d’ordre
Dans la pratique, plusieurs types de contentieux routiers sont récurrents entre les parties. Voici les plus fréquents rencontrés dans les activités des TPE et PME :
Retards de livraison et pénalités contractuelles
Un retard dans la livraison peut provoquer un dommage commercial au destinataire final. Le donneur d’ordre peut alors engager la responsabilité du transporteur et réclamer :
- Des pénalités de retard prévues au contrat,
- Ou des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, s’il est démontré et évalué.
Le transporteur peut se défendre en invoquant une cause exonératoire prévue par la réglementation (intempéries, grèves, panne non prévisible, etc.).
Avaries ou pertes de marchandises
Ce type de litige transporteur est courant lorsque les produits transportés sont endommagés à l’arrivée ou n’arrivent pas à destination. Le donneur d’ordre dispose d’un délai légal pour signaler ces anomalies via une lettre de réserve ou une protestation motivée.
Il convient ici d’agir rapidement car les délais sont très courts (3 jours pour les transports nationaux). Sur ce point voir également l’article : Avarie de marchandises par route.
La lettre de voiture comme preuve essentielle
La lettre de voiture (nationale ou internationale) constitue un document probatoire majeur en cas de litige. Elle précise :
-
L’identité des parties,
-
La nature et la quantité des marchandises,
-
Les délais et conditions de transport.
Les réserves formulées sur ce document au moment de la livraison sont déterminantes pour établir la responsabilité en cas d’avarie ou de perte.
Prestations impayées et créances transporteur
Il arrive que le donneur d’ordre remette en cause le paiement d’une facture de transport au motif que la prestation ne correspondrait pas aux engagements. Le contentieux routier peut alors tourner autour de :
- Litige sur les kilomètres parcourus,
- Absence de bon de livraison signé,
- Refacturation de frais imprévus (temps d’attente, gasoil, péages, etc.).
Le transporteur peut être contraint de recourir à une procédure de recouvrement ou à une injonction de payer pour obtenir règlement.
Délais de paiement encadrés
Le règlement des prestations de transport est strictement encadré par l’article L.441-10 du Code de commerce.
Sauf stipulation contraire plus favorable, le délai de paiement est fixé à 30 jours à compter de la date de facturation.
Le non-respect de ce délai expose le donneur d’ordre à des pénalités de retard et à une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Prévention et résolution amiable des litiges
La prévention reste la meilleure approche pour éviter un litige transporteur. En ce sens, les entreprises ont tout intérêt à formaliser soigneusement leurs relations contractuelles.
Formalisation contractuelle et conditions générales
Un contrat de transport bien rédigé accompagné de conditions générales acceptées permet de :
- Encadrer les responsabilités de chaque partie,
- Fixer les délais de paiement,
- Prévoir les modalités en cas d’imprévus (pénalités, exonérations).
Pour les acteurs récurrents du transport (distributeurs, plateformes logistiques, industriels), une charte logistique peut également offrir un bon outil de gouvernance contractuelle.
Négociation et médiation
Avant tout recours judiciaire, la résolution amiable via une médiation ou une négociation directe est à privilégier. Cela permet de préserver les relations commerciales et d’éviter des coûts et délais inhérents au contentieux.
Recours contentieux en cas d’échec amiable
Si aucun accord n’est trouvé, l’action judiciaire peut être engagée. Selon le montant du litige et la localisation des parties, plusieurs juridictions sont compétentes :
- Tribunal de commerce : pour les litiges entre sociétés commerciales,
- Tribunal judiciaire : en cas d’implication d’un particulier ou pour certains litiges mixtes,
- Juridictions compétentes selon le contrat : souvent à la résidence du transporteur ou au lieu de livraison.
Le bénéficiaire de la prestation peut engager une action sur le fondement de la responsabilité contractuelle du transporteur dans un délai d’un an à compter du jour prévu pour la livraison.
Il est fortement conseillé de se faire accompagner par un avocat en droit du transport pour maximiser ses chances de succès et évaluer correctement les preuves à apporter.
Transports internationaux et Convention CMR
Lorsque le transport s’effectue entre deux États parties à la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR, 1956), ce sont ses dispositions qui s’appliquent.
La CMR prévoit notamment :
-
Un régime spécifique de responsabilité du transporteur,
-
Un plafond d’indemnisation calculé au kilogramme,
-
Un délai de prescription d’un an (ou trois ans en cas de faute dolosive).
Il est donc essentiel de vérifier si le transport est soumis à la CMR avant d’engager toute action judiciaire.
Conclusion
Les litiges entre transporteurs et donneurs d’ordre sont fréquents et peuvent impacter lourdement la chaîne logistique et la trésorerie des TPE/PME. Pour les prévenir, un encadrement juridique rigoureux et une bonne anticipation des risques sont indispensables. En cas de conflit, le recours à une solution amiable est à favoriser, mais la voie judiciaire reste une option en dernier ressort.
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