Dans le secteur du transport routier de marchandises, les incidents liés au vol de cargaison sont malheureusement fréquents. Ces situations engendrent bien souvent des litiges qui complexifient les relations contractuelles entre les différents intervenants : transporteurs, chargeurs, affréteurs et assureurs. Comprendre le cadre juridique applicable est essentiel pour prévenir ou résoudre un contentieux de marchandises de manière efficace.
Régime juridique applicable au transport routier de marchandises
Le transport routier est une activité strictement encadrée par la loi. En cas de vol de cargaison, plusieurs textes peuvent intervenir :
- La Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (dite Convention CMR), pour les transports internationaux.
- Le Code des transports et le Code civil, pour les transports nationaux.
Ces régimes juridiques déterminent les obligations du transporteur, notamment celle de livrer la marchandise dans l’état où elle a été confiée.
Obligations du transporteur et responsabilités en cas de vol
Obligation de résultat
Le transporteur est tenu à une obligation de résultat quant à la livraison de la marchandise. Cela signifie qu’en cas de vol de cargaison, sa responsabilité est en principe engagée, même en l’absence de faute de sa part. Il ne pourra s’exonérer que dans certains cas limités, dits de « cause étrangère ».
Causes exonératoires de responsabilité
Pour échapper à sa responsabilité, le transporteur doit prouver que le vol résulte :
- D’un cas de force majeure ;
- D’un vice propre de la chose transportée ;
- Ou d’une faute du donneur d’ordre ou du destinataire.
Or, les juridictions sont particulièrement strictes dans l’appréciation de la force majeure. Un vol de marchandises dû à une négligence (stationnement prolongé sur une aire non sécurisée, par exemple) ne sera pas exonératoire.
Position de la jurisprudence sur le vol
La jurisprudence considère que le vol ne constitue pas en lui-même un cas de force majeure, sauf circonstances exceptionnelles (attaque à main armée imprévisible et irrésistible par exemple).
À l’inverse, un simple stationnement prolongé sur une aire non sécurisée est jugé comme une négligence du transporteur et engage sa responsabilité (Cass. com., 22 mai 2001).
Procédure à suivre en cas de contentieux marchandises
Déclaration du vol
En cas de vol, il est impératif :
- De déposer une plainte pénale dans un délai rapide ;
- D’informer votre assureur (transport ou multirisque professionnelle) ;
- De conserver tous les documents relatifs au transport (lettre de voiture, bordereau de livraison, contrat de transport).
Ces démarches sont essentielles pour constituer un dossier solide en cas de contentieux.
Action en responsabilité
En cas d’échec des discussions amiables, l’entreprise victime peut diligenter une action devant le tribunal compétent. Celui-ci sera, selon les cas, soit le tribunal de commerce, soit le tribunal judiciaire. L’action en réparation pour vol de cargaison doit être intentée dans les délais légaux, souvent très courts (1 an à 3 ans en fonction du régime applicable).
Délais de prescription
Le délai d’action varie selon le régime applicable :
-
Transport national : 1 an (article L.133-6 du Code de commerce),
-
Transport international soumis à la CMR : 1 an, porté à 3 ans en cas de faute lourde ou dolosive du transporteur.
Le non-respect de ces délais entraîne l’irrecevabilité de l’action.
Rôle de l’assurance dans la prise en charge du vol
L’assurance transport couvre généralement le vol de marchandises sous certaines conditions. Vérifiez si une police d’assurance « ad valorem » a été souscrite. À défaut, vous pourriez être dédommagé selon des limitations de responsabilité prévues dans les conventions (par exemple, 8,33 DTS par kilogramme pour la CMR).
Il convient aussi de s’assurer que le contrat ne comporte pas d’exclusions spécifiques liées aux conditions de stationnement ou à la nature des marchandises transportées.
Limitation d’indemnisation et assurance complémentaire
En transport international (CMR), l’indemnisation est plafonnée à 8,33 DTS par kilogramme de marchandise manquante ou avariée. Ce plafond peut être très inférieur à la valeur réelle des biens transportés.
C’est pourquoi de nombreux donneurs d’ordre souscrivent une assurance « ad valorem », qui couvre la valeur réelle de la marchandise déclarée.
Prévention des litiges liés au vol de cargaison
La meilleure protection contre les litiges transport routier reste la prévention. Voici quelques bonnes pratiques :
- Vérification systématique des assurances du transporteur ;
- Clauses contractuelles claires sur les responsabilités ;
- Choix de prestataires fiables et sécurisation des lieux de stationnement ;
- Utilisation de solutions technologiques (géolocalisation, scellés électroniques).
Une vigilance accrue et des contrats bien rédigés permettent souvent d’éviter des contentieux de vols de marchandises longs et coûteux.
Cas pratique
Un transporteur a laissé son camion chargé de matériel électronique sur une aire d’autoroute non gardiennée. La cargaison a été dérobée dans la nuit.
Le tribunal a écarté la force majeure au motif que le transporteur aurait dû recourir à un stationnement sécurisé. Il a été condamné à indemniser intégralement le donneur d’ordre, dans la limite des plafonds de responsabilité applicables.
Conclusion
Les litiges liés au vol de cargaison en transport routier nécessitent une bonne connaissance des textes, des délais de prescription et des techniques contractuelles. Afin de sécuriser vos relations commerciales et limiter vos risques juridiques, il est vivement conseillé de se faire accompagner par un avocat en droit des transports.
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