La vente de fonds de commerce est une opération juridique fréquente dans la vie des entreprises, notamment pour les commerçants, artisans et dirigeants de TPE/PME. Cette cession implique un transfert de l’ensemble des éléments corporels (matériel, marchandises) et incorporels (clientèle, enseigne, droit au bail) qui constituent le fonds. Toutefois, cette transaction est strictement encadrée par la loi afin de protéger les intérêts des parties, et plus particulièrement ceux de l’acheteur.
La suppression des mentions obligatoires dans l’acte de cession depuis 2019
Jusqu’en 2019, la cession d’un fonds de commerce devait comporter un certain nombre de mentions légales obligatoires, énumérées à l’ancien article L. 141-1 du Code de commerce (identité des parties, prix, chiffre d’affaires, bénéfices, etc.).
La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, dite loi Soilihi, a supprimé cette exigence en abrogeant l’article L. 141-1.
Depuis le 21 juillet 2019, il n’est donc plus nécessaire d’insérer de mentions obligatoires dans l’acte de cession du fonds de commerce.
Toutefois, la protection de l’acquéreur n’a pas disparu : elle est désormais assurée par les règles générales du Code civil, notamment :
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l’obligation précontractuelle d’information (art. 1112-1 C. civ.),
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et la sanction du dol (art. 1137 et s. C. civ.), permettant d’annuler le contrat si le consentement a été vicié.
Ainsi, la réforme a simplifié la pratique, sans priver l’acquéreur de garanties juridiques.
Ce qui demeure obligatoire aujourd’hui
Même si l’acte n’a plus de mentions imposées, deux blocs d’obligations demeurent et comportent des formalités strictes.
Au jour de la cession : visa du document de chiffres d’affaires mensuels (C. com., art. L. 141-2)
Le vendeur et l’acquéreur doivent viser un document présentant les chiffres d’affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice et le mois précédant la vente.
Le vendeur doit ensuite conserver ses livres comptables à la disposition de l’acquéreur pendant 3 ans, toute clause contraire étant réputée non écrite.
La jurisprudence précise que le non-respect de cette règle ne rend pas la vente nulle, sauf s’il est démontré que le consentement a été vicié (Cass. com., 12 oct. 2010, n° 07-17.933 ; Cass. com., 25 janv. 2017, n° 15-19.399).
Après la vente : publicités légales (C. com., art. L. 141-12, L. 141-13, R. 141-1)
Dans les 15 jours de la cession, l’acquéreur doit publier :
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un avis dans un journal d’annonces légales (JAL) du département du fonds,
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et un avis au Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales).
En cas de succursales, des publications supplémentaires sont requises. Outre-mer, les délais sont portés à deux mois.
Condition préalable : sauf acte notarié, l’acte doit être enregistré auprès de l’administration fiscale avant publication, à peine de nullité de la publicité (C. com., art. L. 141-13).
Mentions obligatoires de l’avis (à peine de nullité) :
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date, volume et numéro d’enregistrement (ou récépissé de déclaration) ;
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date de l’acte de cession ;
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identité et domiciles/dénomination et sièges sociaux des parties ;
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nature et siège du fonds ;
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prix stipulé (y compris charges ou évaluations) ;
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délai fixé pour les oppositions (≥ 10 jours) ;
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élection de domicile dans le ressort du tribunal compétent.
Le décret du 10 février 2020 a confirmé que la publication peut être effectuée sous forme d’extrait ou d’avis, sous réserve de contenir ces mentions.
Les garanties en cas d’inexactitude des énonciations
Même si les anciennes mentions obligatoires ne sont plus exigées, si des déclarations figurent dans l’acte, le vendeur est tenu d’une garantie spécifique en cas d’inexactitude (C. com., art. L. 141-3).
L’acquéreur peut alors agir :
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soit en résolution de la vente (action rédhibitoire),
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soit en réduction du prix (action estimatoire), sur le fondement des articles 1644 et 1645 C. civ.
Cette action doit être exercée dans l’année suivant la prise de possession du fonds (C. com., art. L. 141-4). La Cour de cassation a confirmé que ce délai spécial exclut l’application du délai des vices cachés (art. 1648 C. civ.).
Par ailleurs, en cas d’omission ou d’information inexacte ayant vicié le consentement, les voies de droit commun (dol et obligation d’information précontractuelle) restent ouvertes.
Contentieux liés à la vente de fonds de commerce
Nullité de la cession : exception depuis 2019
Depuis l’abrogation de l’article L. 141-1 du Code de commerce, l’omission des anciennes mentions légales n’entraîne plus automatiquement la nullité de la cession.
La nullité ne peut être prononcée que dans des cas limités, disposition de droit commun, et notamment vice du consentement (dol, erreur, réticence dolosive), démontré par l’acquéreur.
Exemple : la jurisprudence exige que l’acquéreur prouve que l’omission ou l’inexactitude l’a induit en erreur (Cass. com., 25 janv. 2017, n° 15-19.399).
Actions fondées sur les inexactitudes ou omissions
Action en nullité pour dol
Si le vendeur a volontairement dissimulé une information déterminante (par exemple : baisse importante du chiffre d’affaires, procédure collective imminente), l’acquéreur peut obtenir la nullité de la cession sur le fondement des articles 1130 et s. du Code civil.
Délai : 5 ans à compter de la découverte du dol (C. civ., art. 1144).
Responsabilité contractuelle pour manquement à l’obligation d’information
En application de l’article 1112-1 C. civ., le vendeur peut être condamné à indemniser l’acquéreur si une information déterminante n’a pas été communiquée.
Sanction : dommages-intérêts (la nullité n’est pas automatique).
Synthèse pratique
En définitive :
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Plus de mentions obligatoires dans l’acte de cession du fonds de commerce depuis 2019.
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Obligations maintenues :
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visa du document de chiffres d’affaires mensuels (art. L. 141-2 C. com.),
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publicités légales dans les 15 jours avec mentions obligatoires à peine de nullité (art. L. 141-12 s. C. com.).
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Responsabilité du vendeur : toute déclaration inexacte dans l’acte engage sa garantie (art. L. 141-3), action dans l’année (art. L. 141-4).
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Protection de l’acquéreur : assurée par le droit commun (obligation d’information et dol).
Cette simplification législative vise à fluidifier les transactions, tout en maintenant un équilibre entre liberté contractuelle et protection de l’acquéreur.
Conclusion
La vente fonds de commerce est une opération délicate qui ne peut se limiter à une simple remise des clés. Ignorer les certaines mentions importantes ou les traiter avec légèreté expose les parties à de lourds risques contentieux. Dans un contexte juridique de plus en plus exigeant, il est vivement conseillé aux dirigeants de TPE/PME de se faire accompagner par un avocat afin d’éviter toute mauvaise surprise, avant ou après la cession.
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