Définition de la cession de fonds et enjeux pour les créanciers
La cession d’un fonds de commerce ou d’un fonds artisanal est une opération économique courante permettant à un commerçant ou artisan de céder son activité à un tiers. Cette opération peut toutefois affecter les intérêts des créanciers du cédant, notamment lorsqu’ils ont des créances en cours sur celui-ci.
L’opposition des créanciers constitue ainsi un recours légal leur permettant de protéger leurs droits et de s’opposer au paiement du prix de vente au cédant tant que leurs créances ne sont pas réglées.
Le cadre légal de l’opposition des créanciers
Les dispositions du Code de commerce
Les règles relatives à l’opposition des créanciers dans le cadre d’une cession de fonds sont principalement prévues aux articles L141-12 et suivants du Code de commerce. Lorsqu’un fonds est cédé, l’acquéreur est tenu de procéder à une publication de la vente dans un journal d’annonces légales (JAL) et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).
Le délai d’opposition
Les créanciers du cédant disposent de 10 jours à compter de la parution de l’avis au BODACC pour faire opposition au paiement du prix entre les mains du vendeur. Ce délai est impératif : toute opposition tardive est déclarée irrecevable.
Les formes et modalités de l’opposition
L’opposition doit être formalisée par voie d’acte extrajudiciaire (généralement par huissier de justice), dans lequel le créancier expose :
- le montant et l’origine de la créance invoquée,
- la demande express d’opposition au paiement du prix,
- le fondement juridique de son droit d’opposition.
Lorsque plusieurs oppositions sont formées, le prix de la cession du fonds est alors séquestré (ou bloqué) jusqu’à résolution du contentieux ou accord amiable.
Effets pratiques de l’opposition
Blocage du prix de vente
En cas d’opposition des créanciers, l’acquéreur du fonds ne peut plus légalement verser le prix de cession au vendeur tant qu’un accord n’a pas été trouvé ou qu’un juge ne s’est pas prononcé. Cette mesure vise à préserver les droits des créanciers avant tout transfert d’actifs.
Rôle du séquestre
Il est fréquent qu’un avocat ou notaire soit désigné comme séquestre du prix. Il conserve alors les fonds jusqu’à :
- paiement des créanciers ayant fait une opposition régulière,
- autorisation judiciaire de mainlevée,
- délai légal d’opposition expiré sans contestation.
Contentieux liés à l’opposition : enjeux et stratégies
Types de contentieux
Les litiges relatifs à l’opposition des créanciers peuvent porter sur :
- la régularité de l’opposition (respect du délai, formalisme),
- la validité ou le montant de la créance invoquée,
- l’existence d’un abus de droit ou d’une opposition dilatoire.
Dans ces cas, une procédure judiciaire peut être lancée devant le tribunal de commerce.
Stratégie du cédant et de l’acquéreur
Face à des oppositions bloquant la perception du prix de cession, le cédant peut avoir intérêt à :
- s’acquitter de certaines dettes pour débloquer les fonds,
- saisir le juge des référés pour contester la validité des oppositions.
L’acquéreur, quant à lui, doit veiller à sécuriser son achat en limitant les risques de contentieux, notamment en versant le prix à un professionnel séquestre dès la signature.
Risques pour le vendeur
Le vendeur qui omet de régler ses créanciers avant la cession s’expose à un blocage de la totalité du prix de vente. Cette situation peut mettre en péril ses projets de réinvestissement ou de réorganisation patrimoniale. En outre, une multiplication d’oppositions, même pour de faibles montants, peut entraîner un contentieux long et coûteux.
Responsabilité de l’acquéreur
L’acquéreur du fonds doit être particulièrement vigilant : en cas de paiement prématuré au cédant malgré une opposition, il risque de devoir payer deux fois — une première fois au vendeur et une seconde fois aux créanciers. D’où l’importance de verser systématiquement le prix à un séquestre et de respecter scrupuleusement les délais légaux.
Conseils aux dirigeants de TPE/PME : anticiper les oppositions
Préparer la cession en amont
Avant toute cession de fonds, il est fondamental d’identifier toutes les dettes en cours, d’établir un état des créances et de vérifier les délais de paiement accordés à chaque créancier.
Faire accompagner la transaction
Recourir à un avocat ou notaire spécialisé en contentieux commercial permet :
- de rédiger des actes conformes au droit des affaires,
- de publier les annonces légales dans les délais,
- de gérer efficacement les éventuelles oppositions.
Prévoir un séquestre du prix
Déposer le prix de vente entre les mains d’un séquestre professionnel sécurise la cession et limite les risques de blocage ultérieur par les créanciers.
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