La résiliation judiciaire d’un bail commercial est une procédure contentieuse qui peut s’avérer incontournable en cas de manquements contractuels graves. Elle permet de mettre fin au contrat avant son terme, sur décision d’un juge. Dans un contexte économique instable, nombreux sont les professionnels qui se retrouvent confrontés à un litige, qu’ils soient propriétaires ou locataires. Cet article fait le point, à destination des dirigeants de TPE et PME, sur les motifs recevables, la procédure applicable et les positions les plus récentes de la jurisprudence.
Principes généraux de la résiliation judiciaire
Cadre juridique applicable
Le bail commercial constitue un contrat à durée déterminée, généralement de 9 ans. Il ne peut être résilié unilatéralement en dehors des cas prévus contractuellement ou par la loi. Toutefois, en cas de manquements graves du locataire ou du bailleur, la résiliation judiciaire peut être prononcée par le tribunal judiciaire sur le fondement de l’article 1184 ancien du Code civil (avant 2016) ou de l’article 1224 et suivants du Code civil (réforme du droit des obligations).
Nature des manquements justifiant une résiliation
La jurisprudence distingue les manquements suffisamment graves de ceux qui ne justifient pas une telle mesure. Le juge apprécie souverainement les faits au cas par cas. Voici quelques exemples considérés comme suffisamment graves :
- Retards répétés de paiement des loyers ou impayés persistants
 - Détournement de la destination des lieux (activité non autorisée)
 - Non-respect de clauses essentielles : travaux sans autorisation, sous-location interdite, etc.
 - Atteintes à la tranquillité des autres locataires ou à l’immeuble
 
Procédure de résiliation judiciaire
Saisine du tribunal et compétence
La résiliation judiciaire est une action portée devant le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble. Une représentation par avocat est obligatoire. Le juge peut être saisi par :
- Le bailleur souhaitant expulser un locataire défaillant
 - Le locataire qui subit un manquement grave du bailleur (non réalisation de travaux, impossibilité d’exploiter les locaux, etc.)
 
Effets de la résiliation
La résiliation prononcée met fin rétroactivement au contrat. Le locataire doit libérer les locaux, et peut être condamné à des indemnités d’occupation. À l’inverse, si c’est le bailleur qui est fautif, il peut être condamné à verser des dommages et intérêts au preneur.
Jurisprudence récente en matière de résiliation judiciaire
Retards de paiement et loyers impayés
La Cour de cassation a, dans un arrêt du 19 mai 2022, confirmé que des retards répétés de paiement de loyers sur plusieurs trimestres, même régularisés avant l’audience, peuvent justifier la résiliation judiciaire. Le comportement du locataire est jugé incompatible avec la poursuite du contrat.
Changement d’activité non conforme à la destination
Dans une décision du 25 janvier 2023 (n° 21-24.810), la modification unilatérale de l’activité exercée sans autorisation du bailleur a été sanctionnée. Le juge a considéré qu’il s’agissait d’un manquement grave à la clause de destination des lieux, compromettant la relation de confiance entre les parties.
Nécessité d’un préjudice avéré
Attention, la jurisprudence encadre strictement la notion de gravité. Dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 28 février 2023, il a été jugé que de simples retards ponctuels de paiements, sans préjudice significatif pour le bailleur, ne justifient pas la résiliation. L’importance du dommage est un critère essentiel dans l’évaluation des éléments.
Clauses résolutoires et résiliation judiciaire
La clause résolutoire
Lorsqu’une clause résolutoire est prévue dans le bail commercial, la résiliation peut intervenir de plein droit si le locataire manque à ses obligations (défaut de paiement des loyers, charges, non-respect de la destination des lieux, etc.).
Cependant, cette automaticité est encadrée par l’article L.145-41 du Code de commerce, qui impose :
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La délivrance d’un commandement par huissier de justice (désormais commissaire de justice), visant la clause résolutoire.
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Un délai minimum d’un mois accordé au locataire pour régulariser sa situation.
 - 
À défaut de régularisation, la résiliation est acquise de plein droit.
 
En pratique toutefois, la clause ne « joue » pas sans le contrôle du juge. Le bailleur doit saisir le tribunal judiciaire pour faire constater la résiliation et obtenir l’expulsion du locataire.
La procédure en référé
Le bailleur peut agir devant le juge des référés du tribunal judiciaire, afin d’obtenir rapidement :
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La constatation de l’acquisition de la clause résolutoire si le délai d’un mois est expiré et que le manquement persiste.
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L’ordonnance d’expulsion du locataire, avec le concours de la force publique si nécessaire.
 
Le juge des référés se borne alors à constater l’existence de la clause, le manquement, et l’absence de régularisation.
Toutefois, il peut :
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Accorder des délais de paiement (art. 1343-5 C. civ.), ce qui suspend l’effet de la clause résolutoire.
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Refuser d’ordonner la résiliation si le commandement est irrégulier ou si le manquement n’entre pas dans le champ de la clause.
 
La résiliation judiciaire
Si aucune clause résolutoire n’est insérée dans le bail, ou si le manquement invoqué n’y est pas visé, le bailleur peut agir en résiliation judiciaire.
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Cette action se fonde sur l’article 1227 du Code civil, qui permet de demander au juge la résolution du contrat pour inexécution suffisamment grave.
 - 
Contrairement au référé, il s’agit d’une procédure au fond, plus longue, où le juge apprécie souverainement la gravité du manquement.
 
Conseils pratiques pour les dirigeants de TPE/PME
- Faites relire votre bail commercial par un avocat pour identifier les clauses sensibles
 - Documentez les manquements en cas de conflit (lettres recommandées, preuves de non-paiement, constats d’huissier, etc.)
 - Tentez une médiation ou mise en demeure avant d’engager une action judiciaire coûteuse
 - Surveillez l’évolution de la jurisprudence afin d’anticiper les décisions judiciaires potentiellement défavorables
 
Avocat en baux commerciaux, notre cabinet peut vous assister à chaque étape de la procédure, qu’il s’agisse de la délivrance du commandement, de la saisine en référé devant le tribunal judiciaire ou du suivi de l’exécution de la décision.
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