Subrogation de l’AGS, Superprivilège et frais du liquidateur

par | 21 Nov, 2024 | Actualités juridiques

Jurisprudence

Arrêt Cass. Com., 20 novembre 2024 – Pourvoi n° 23-19.085

Rappel des faits et et de la procédure 

La société Quantum Sécurité a été placée en redressement puis liquidation judiciaires en 2013 et 2014. L’Association de Garantie des Salaires (AGS) a avancé une somme de 672 014,70 euros pour les créances des salariés, dont une partie couverte par le superprivilège.

En 2016, le liquidateur a versé 40 000 euros à l’AGS. En 2022, estimant ne pas disposer de fonds suffisants pour ses émoluments, le liquidateur a assigné l’AGS pour la restitution de 3 013,88 euros et a sollicité des dommages-intérêts pour résistance abusive.

Le tribunal de commerce a fait droit à la demande de restitution, estimant que la somme versée à l’AGS constituait une avance sur répartition en application de l’article L. 643-8 du Code de commerce. L’AGS a formé un pourvoi en cassation.

Problème de droit

La somme versée au titre du superprivilège des salariés peut-elle être qualifiée d’avance sur répartition, susceptible de restitution ?

Le liquidateur peut-il prétendre au remboursement des fonds versés à l’AGS pour couvrir ses propres émoluments ?

Solution

Sur la nature des sommes versées au titre du superprivilège

La Cour de cassation rappelle qu’en vertu des articles L. 625-8 du Code de commerce et L. 3253-16 du Code du travail, les sommes avancées par l’AGS bénéficient de la subrogation légale dans les droits des salariés.

Ces créances superprivilégiées doivent être payées en priorité sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective. Ces paiements ne relèvent pas du mécanisme d’avance sur répartition prévu par l’article L. 643-3 du Code de commerce, et ne sont donc pas susceptibles de restitution.

Sur les émoluments du liquidateur

La Cour juge que la demande du liquidateur en restitution des sommes versées à l’AGS est infondée, dès lors que ces sommes relèvent du superprivilège, lequel prévaut sur les frais de liquidation, y compris les émoluments du liquidateur.

Motifs de la décision

La Cour de cassation souligne que :

  • Le superprivilège attaché aux créances salariales bénéficie à l’AGS après subrogation et garantit un paiement prioritaire sans possibilité de restitution.
  • L’AGS conserve les droits et avantages des salariés, ce qui inclut la priorité absolue de paiement sur les premières rentrées de fonds.

Dès lors, le tribunal de commerce a violé les textes applicables en assimilant ces paiements à une avance sur répartition.

La Cour casse et annule le jugement. Elle statue en rejetant l’ensemble des demandes du liquidateur, y compris les dommages-intérêts pour résistance abusive. Elle condamne le liquidateur aux dépens.

Analyse

Priorité du superprivilège

Cet arrêt confirme la primauté absolue du superprivilège sur toutes les autres créances dans une procédure collective, y compris les frais et émoluments du liquidateur. Cela illustre l’objectif de protection des salariés dans le cadre des procédures collectives.

Subrogation légale de l’AGS

L’AGS bénéficie d’une subrogation totale dans les droits des salariés, renforçant sa position dans la hiérarchie des créanciers. La décision rappelle que les fonds versés à l’AGS au titre du superprivilège ne peuvent être requalifiés en avances sur répartition et sont irrépétibles.

Encadrement des frais de liquidation

Le liquidateur ne peut prétendre à des fonds couverts par le superprivilège pour le paiement de ses émoluments. Cet arrêt rappelle ainsi la nécessité de respecter la hiérarchie des créances dans la procédure collective.

Conclusion

Cette décision consolide la jurisprudence en matière de subrogation et de superprivilège, tout en renforçant la protection des créances salariales avancées par l’AGS dans le cadre des procédures de liquidation judiciaire.

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