Décisions collectives en SAS : Les limites à la liberté statutaire

par | 21 Nov, 2024 | Actualités juridiques

Jurisprudence

Arrêt Cour de Cass. Ass. Plén., 15 novembre 2024 – Pourvoi n° 23-16.670

Faits et procédure

La société par actions simplifiée (SAS) La Vierge a tenu une assemblée générale extraordinaire le 22 octobre 2015 pour décider d’une augmentation de capital, avec suppression du droit préférentiel de souscription, et réserver l’émission des nouvelles actions à un associé spécifique.

La délibération a été adoptée par 46 % des voix favorables, contre 54 % de voix défavorables, conformément à une clause statutaire qui fixait la majorité requise au tiers des voix exprimées.

Estimant cette délibération contraire à la loi, certains associés ont demandé son annulation. La cour d’appel a rejeté cette demande, validant la clause statutaire. Les demandeurs ont formé un pourvoi en cassation.

Problème de droit

Une décision collective des associés dans une SAS peut-elle être adoptée avec une majorité inférieure à la majorité des voix exprimées, si une clause statutaire le prévoit ?

Solution

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en affirmant que :

Une décision collective dans une SAS ne peut être adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées. Toute clause statutaire prévoyant une majorité inférieure est réputée non écrite, conformément aux articles 1844-10 du Code civil et L. 227-9 du Code de commerce.

Motifs

Respect de la majorité des voix exprimées :

L’article L. 227-9 du Code de commerce autorise les statuts à aménager les modalités de prise de décision, mais cette liberté est encadrée par les règles impératives relatives à la participation des associés.

Une décision collective doit réunir le plus grand nombre de voix exprimées pour éviter des résultats contradictoires au sein de la société.

Primauté des dispositions impératives :

L’article 1844-10 du Code civil stipule que toute clause statutaire contraire à une disposition impérative est réputée non écrite. La clause prévoyant une majorité au tiers des voix exprimées dans cette affaire est donc illégale.

Annulation de la décision :

La décision adoptée par une majorité inférieure à la majorité simple est nulle. En l’espèce, la délibération ayant recueilli 46 % des voix favorables ne pouvait être validement adoptée.

Portée de l’arrêt

  • Encadrement de la liberté contractuelle dans les SAS : L’arrêt rappelle que bien que les associés d’une SAS bénéficient d’une grande liberté pour organiser leurs relations, cette liberté est limitée par les règles impératives protégeant les droits fondamentaux des associés.
  • Sécurisation des droits des minoritaires : En exigeant une majorité des voix exprimées, la Cour de cassation protège les associés minoritaires contre des décisions prises par une faible majorité artificiellement réduite.
  • Réaffirmation de l’ordre public sociétaire : Cet arrêt s’inscrit dans une volonté de garantir la cohérence des décisions collectives et de prévenir des dérives pouvant résulter de clauses statutaires abusives.

Conclusion

L’arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation clarifie les limites de la liberté statutaire dans les SAS, en affirmant que la règle de la majorité des voix exprimées s’impose dans les décisions collectives, quelles que soient les stipulations statutaires. Cette décision renforce la sécurité juridique des décisions des associés et protège les droits de participation des minoritaires.

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