Insuffisance d’actif : l’importance du représentant permanent en SAS

par | 20 Nov, 2024 | Actualités juridiques

Jurisprudence

Arrêt de la Cour de cass. du 20 novembre 2024 – Pourvoi n° 23-17.842

Rappel des faits

La société Med Clean France, dirigée par la société suisse Med Clean, elle-même représentée par M. [U], a été placée en redressement puis en liquidation judiciaires en 2015. Le liquidateur a assigné M. [U] en responsabilité pour insuffisance d’actif et a demandé qu’une mesure de faillite personnelle soit prononcée à son encontre.

La cour d’appel de Lyon a condamné M. [U] à contribuer à l’insuffisance d’actif de la société et a prononcé une mesure de faillite personnelle. M. [U] a formé un pourvoi en cassation.

Problème juridique

Un dirigeant de société peut-il être tenu responsable pour insuffisance d’actif lorsqu’il n’a pas la qualité de représentant permanent, alors que la société qu’il dirige est elle-même présidente d’une autre société par actions simplifiée (SAS) ?

Solution

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Lyon en jugeant que la responsabilité de M. [U] pour insuffisance d’actif ne pouvait être engagée en l’absence de constatation que la société Med Clean France avait désigné un représentant permanent pour sa présidente, la société Med Clean, conformément aux statuts.

Elle considère que sans une telle désignation, M. [U], dirigeant de la société mère Med Clean, ne pouvait être considéré comme dirigeant de droit de Med Clean France et, par conséquent, ne pouvait être tenu responsable sur le fondement des articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce.

Analyse de la décision

1. Principe de responsabilité pour insuffisance d’actif

La responsabilité pour insuffisance d’actif prévue par l’article L. 651-2 du code de commerce permet d’engager la responsabilité des dirigeants de droit ou de fait d’une société en liquidation judiciaire lorsque leurs fautes de gestion ont contribué à l’insuffisance d’actif. Ce dispositif vise à protéger les créanciers et à responsabiliser les dirigeants.

2. La spécificité des SAS dirigées par une personne morale

En vertu des articles L. 227-5 et L. 227-7 du code de commerce, une SAS peut être dirigée par une personne morale. Lorsque tel est le cas, cette dernière doit désigner un représentant permanent, qui agit en son nom auprès de la société qu’elle dirige. Ce représentant permanent est alors considéré comme le dirigeant de droit de la société, et c’est sa responsabilité qui peut être engagée.

3. Appréciation erronée de la cour d’appel

La cour d’appel avait considéré que M. [U], dirigeant de la société Med Clean (personne morale dirigeante de Med Clean France), devait être qualifié de dirigeant de droit de Med Clean France en l’absence d’une autre indication. Or, la Cour de cassation rappelle que cette appréciation est contraire aux principes applicables :

  • Représentation permanente : Si la société dirigeante (Med Clean) avait désigné un représentant permanent dans les statuts ou par un acte séparé, seule la responsabilité de ce représentant aurait pu être engagée.
  • Absence de vérification : La cour d’appel n’a pas recherché si une telle désignation avait été faite, alors que cette question était soulevée par les conclusions de M. [U]. Cette omission constitue une absence de base légale à la décision.
4. Conséquences de la cassation

La Cour de cassation estime que, sans la qualité de dirigeant de droit ou de fait, M. [U] ne pouvait être tenu responsable de l’insuffisance d’actif. En annulant cette condamnation, la Cour met en avant la nécessité de vérifier minutieusement la désignation du représentant permanent avant d’engager la responsabilité d’un dirigeant.

Portée de la décision

Cet arrêt souligne l’importance de la distinction entre :

  • Le dirigeant de la société dirigeante (qui est responsable vis-à-vis de cette société) ;
  • Le représentant permanent désigné par la société dirigeante, qui est responsable vis-à-vis de la société qu’elle administre.

Cette solution clarifie que la simple qualité de dirigeant d’une personne morale dirigeante ne suffit pas pour engager la responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif. Elle impose également une vigilance accrue aux juges dans l’analyse des structures de direction complexes, notamment dans les SAS.

La Cour de cassation, en exigeant une recherche précise des statuts et actes désignant un représentant permanent, renforce la sécurité juridique pour les dirigeants de sociétés mères. Cet arrêt rappelle que la responsabilité pour insuffisance d’actif repose sur une qualification stricte du dirigeant, en accord avec les dispositions légales et statutaires.

Voir également : Pouvoir de représentation dans la sas

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